La plume et le pinceau
En 1866, le jeune écrivain Zola rédige une tonitruante défense de Manet après sa visite du Salon d'où le peintre avait été exclu : " "Puisque personne ne dit cela, je vais le dire, moi, je vais le crier. Je suis tellement certain que M. Manet sera un des maîtres de demain, que je croirais conclure une bonne affaire, si j’avais de la fortune, en achetant aujourd’hui toutes ses toiles. Dans cinquante ans, elles se vendront quinze et vingt fois plus cher, et c’est alors que certains tableaux de quarante mille francs ne vaudront pas quarante francs."
Pour le remercier de son appui, Manet proposa à Zola de faire son portrait, assis à une table de travail. Mais en regardant avec un peu d'attention, il apparait que le décor reflète davantage l'univers du peintre que celui de son modèle.
Au mur est accrochée une reproduction de la fameuse Olympia de Manet, objet d'un vif scandale au Salon de 1865 mais que Zola considérait comme le chef-d'œuvre de l'artiste. Derrière, une gravure d'après le Bacchus de Velázquez exprime le goût commun au peintre et à l'écrivain pour l'art espagnol. Elle voisine avec une estampe japonaise qui rappelle à quel point l'Extrême-Orient tient une place essentielle dans l'avènement de la nouvelle peinture occidentale.
Quant à Zola, il affiche une expression lointaine, distraite, qui frappa ses contemporains. L'explication tient peut-être au fait que - tout en étant reconnaissant - Manet n'avait en fait pas beaucoup d'affinités avec le jeune écrivain.
Portrait d'Emile Zola (détail) - 1868 - Edouard Manet - Musée d'Orsay, Paris. Familiers du quartier des Batignolles, les deux artistes seront évoqués lors du cycle Tout connaître de Paris 2025-2026.