Une sacrée chute

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15 avril 2019 au soir, entraîné dans la chute de la grande flèche, le coq perché sur Notre-Dame de Paris à 96 mètres de hauteur, disparaissait dans les décombres de la cathédrale en flammes. Alors qu'on le croyait fondu, le lendemain, le volatile - un brin cabossé tout de même - est (miraculeusement ?) retrouvé sur les hauteurs du monument.
 
Dans le christianisme, le coq symbolise le retour de la lumière après la nuit. En décembre dernier, un nouveau coq aux allures de phénix renaissant de ses cendres a été placé au sommet de Notre-Dame.
 
Une histoire parmi d'autres, à écouter samedi 15 mars, lors du dîner-conférence que j'anime dans les salons du Grand Monarque, à Chartres.


Paris à vol d'oiseau

Et si nous prenions de la hauteur ? Autour de Notre-Dame restaurée, phénix renaissant de ses cendres. Sauvée par la plume d'Hugo, de l'ignorance et du désintérêt en 1831 ; sauvée des flammes près de deux siècles plus tard, un soir d'avril qui restera inscrit dans la mémoire collective. 

Rendez-vous vendredi 15 mars dans les salons du Grand Monarque à Chartres, pour une conférence suivie d'un dîner. Je raconterai l'histoire de Notre-Dame avant et après Victor Hugo ; avant et après l'incendie. 

Henri Rivière Paris Musées Collections

Henri Rivière - 1900 - Du haut des tours de Notre-Dame - Musée Carnavalet, Paris


La Liberté change de cap

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Près du pont de Grenelle, une réplique de la statue de la Liberté new-yorkaise accueille les visiteurs pénétrant dans Paris depuis l'ouest de la capitale. Inaugurée en 1889, soit trois ans après la statue américaine, elle était alors installée face à l’est pour éviter deux inconvénients au président Carnot lors de la cérémonie officielle ; l'utilisation d'une barque et le dévoilement d'une statue tournant le dos à l’Élysée. 

Mais ce choix ne satisfaisait pas son créateur, Bartholdi, lequel souhaitait qu’on la dirigeât plutôt en direction de New York. Il faudra attendre l'exposition de 1937 - soit quarante-huit ans plus tard - pour que la Liberté effectue un demi-tour, cap à l'ouest. Cette vue du pont de Grenelle représente la célèbre figure dans sa position initiale, dos à l'Amérique.

Le Pont de Grenelle, vu de la maison de l'artiste, quai Louis-Blériot - après 1911 - Alexandre Nozal - Musée Carnavalet  Le circuit des prochaines Promenades parisiennes - parution au printemps 2024 - fait étape sur le pont de Bir-Hakeim, non loin de la dite-statue.

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La peinture qui apaise

Conférence Anne Chevée Grand Monarque
 
Van Gogh peint ce tableau au début du mois de juin 1890 dans la campagne d'Auvers-sur-Oise, un village non loin de Paris.
L'artiste vit alors ce nouveau séjour dans le nord de la France comme une sorte de retour aux sources.
Bien qu'animé par les traits énergiques du pinceau décrivant le mouvement des tiges d'herbe dans la brise, ce paysage diffère des tableaux réalisés en Provence. Les couleurs vives et chaudes du sud ont laissé place à des teintes froides et douces, de vert et de bleu. Beauté et sérénité semblent alors le meilleur remède pour apaiser un esprit tourmenté.
 
Tableau commenté lors du dîner-conférence consacré à Van Gogh au Grand Hôtel & Spa Le Grand Monarque Chartres, vendredi 24 novembre. Conférencière Anne Chevée
Champ de blé vert - première moitié de juin 1890 - National Gallery of Washington

Vienne la nuit sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure

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Le 9 novembre 1918, Guillaume Apollinaire rend son dernier souffle tandis que Paris s'apprête à fêter l'armistice. Pionnier de la poésie moderne, engagé volontaire dans la défense de la France alors qu'il n'est pas encore naturalisé, l'homme est aussi un amoureux sensible, souvent déçu mais qui transforme ses peines en or littéraire.
 
Délaissé par Marie Laurencin après cinq années d'amours orageuses, "le poète à la tête étoilée" compose l'un de ses plus célèbres textes. Observant l'écoulement de la Seine sous le pont Mirabeau à Paris ; il évoque l'usure de l'amour avec le passage du temps.
 
Cette grande peinture de Marie Laurencin trôna au-dessus du lit du poète jusqu'à sa mort. Réalisée en 1909, elle entre dans sa collection en 1912, année de leur séparation. Apollinaire figure au milieu de la toile en compagnie de ses amis. De gauche à droite ; la collectionneuse Gertrude Stein représentée de profil près de Fernande Olivier - compagne de Picasso - lequel se tient à droite d'Apollinaire tandis que Marie Laurencin est installée au piano.
 
Exposée au salon des Indépendants de 1909, cette œuvre fit l'objet d'un commentaire élogieux par Apollinaire, amoureux éconduit par la suite mais qui resta un ardent défenseur de la peinture avant-gardiste : "L'art de Melle Laurencin tend à devenir une pure arabesque humanisée par l'observation attentive de la nature."

La vie en bleu

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Juillet
1890. Un peintre aux cheveux roux et à la mise négligée observe avec attention le paysage de campagne qui l'environne. Vincent van Gogh est installé à Auvers-sur-Oise depuis le mois de mai, enthousiasmé par les motifs qui s'offrent à lui.
 
Maisons aux toits de chaume, champs, bouquets de fleurs, portraits ; il peint avec une telle ardeur que soixante-quatorze œuvres naissent en soixante-dix jours.
Sous le ciel d'Ile-de-France, bleus et verts s'imposent en contrepoint du jaune des toiles exécutées en Provence.
 
Mais l'apaisement trouvé en ces lieux ne sera que de courte durée comme en témoignent les lettres échangées avec son frère Théo. Les bleus de sa palette se mêleront aux bleus de l'âme et Vincent mettra fin à ses jours en plein champ, sous l'outremer d'un ciel de juillet.
 
Champs de blé sous des nuages d'orage -9 juillet 1890- Fondation Van Gogh, Amsterdam. Ce tableau est actuellement au musée d'Orsay, dans l'exposition "Van Gogh à Auvers-Sur-Oise". Sujet développé lors du cycle Expos et au cours du dîner-conférence organisé au Grand Monarque à Chartres, le 24 novembre

Vrai cristal, faux végétal

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Compagne fidèle des cuisiniers, la feuille de laurier ou plutôt son nom a aussi été utilisé par les archéologues pour désigner certaines pierres taillées au Paléolithique supérieur. Retouchées avec grand soin sur la totalité des deux faces, ces pièces étonnent toujours par leur finesse et leur régularité. 

Découverte en Charente, dans la grotte du Placard, celle-ci est sculptée dans un cristal de roche qui permet d'observer la taille caractéristique "en pelures" de l'objet, façonné par de minces enlèvements.

Cette pièce n'avait certainement pas d'utilité fonctionnelle mais probablement un usage rituel qui témoigne de l'attirance ancestrale des hommes pour la beauté du quartz. Traversé par la lumière qu'il diffracte, semblant immatériel alors qu'il est matériel, le cristal fascine l'homme depuis la nuit des temps.

Cette œuvre est présentée dans l'exposition du musée de Cluny, 'Voyage dans le cristal', sujet qui sera développé lors du cycle Expos 2023-2024. 

Feuille de laurier - Paléolithique supérieur, Solutréen (19000-16500 av.n-è) - cristal de roche - Musée d'Archéologie Nationale, St-Germain-en-Laye


Les pommes ne comptent pas pour des prunes

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Sur les étals des marchés de septembre comme sur les cimaises du musée du Luxembourg, les fruits sont à l'honneur en cette rentrée ; pommes à la Cézanne, poires bicolores selon Braque et oranges miroitantes dans la corbeille de Matisse.

Elaborant un nouveau langage - plastique pour le peintre espagnol, littéraire pour l'écrivaine américaine - Pablo Picasso et Gertrude Stein partagent la même fascination pour les natures mortes de Cézanne. Lequel avait conçu l'idée que - dans une composition - une chose compte autant qu'une autre.

Pomme ou prune, homme ou femme, sur un même pied d'égalité ! 

Nature morte aux pommes et au pichet - 1877 - P. Cézanne - Metropolitan Museum of Art, NYC

Ce sujet développé lors du cycle Expos+, en salle ART'Hist à Chartres, est lié à l'exposition "Stein/Picasso. L'invention du langage" qui se tient au musée du Luxembourg, à Paris cet hiver. 


Modigliani, l'art italien en héritage

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Visages ovoïdes percés de larges yeux en amande et posés sur de longs cous, les portraits du peintre Modigliani se distinguent aisément par ces traits caractéristiques.

Héritiers de la culture classique italienne, ils appartiennent cependant à un genre peu prisé par les avant-gardes au début de 20e siècle. Modigliani en fera pourtant le cœur de ses expérimentations plastiques.

Usant d'une géométrisation d'ordre cubiste pour certains, de touches étirées évoquant le non finito de ses sculptures pour d'autres, l’œuvre de Modigliani témoigne d'une recherche constante pour concilier portrait et avant-garde.

NGWAEn 1907, le docteur Paul Alexandre est le premier amateur à s'intéresser à sa peinture et à l'encourager en achetant ses toiles.

C'est à la lumière de cette rencontre décisive que sera présentée l'exposition "Modigliani. Un peintre et son marchand" au musée de l'Orangerie cet automne.

Ce sujet sera développé lors du cycle Expos 2023-2024. 

Femme aux cheveux roux - Amadeo Modigliani - 1917 - National Gallery of Art, Washington


Les charmes discrets du 18e siècle selon Berthe Morisot

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Quête de l'instantané et fascination pour les variations de lumière associent Berthe Morisot (1841-1895) au courant impressionniste. Mais la jeune femme s'est toujours distinguée de ses compagnons par la place accordée à la figure féminine. Sa fille Julie, ses nièces, les domestiques sont les actrices de scènes intimes directement empruntées à son quotidien.

Debout dans une salle à manger, un bol dans les mains, une jeune femme dotée d'un tablier blanc nous regarde. Son visage rond éclairé d'un soupçon de sourire fait un écho malicieux au globe de la lampe voisine.  

Brossée avec rapidité par touches apparentes, cette scène d'intérieur semble en apparence inachevée. En réalité, Berthe montre beaucoup d'audace dans cette pratique du non finito. Cette légèreté de la touche et son goût pour les tons pastel lui vaudront d'être comparée à Antoine Watteau  et à son arrière grand-oncle, Honoré Fragonard.

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Peintre de la vie moderne, son art a souvent été comparé au travail des artistes français du XVIIIe siècle, poussant Renoir à la qualifier de « dernière artiste élégante et «féminine» que nous ayons eu depuis Fragonard ».  L’exposition que lui consacrera le musée Marmottan en octobre se propose de rechercher l’origine de cette inspiration.

Ce sujet sera présenté en salle, à Chartres, au cours du cycle Expos. 

Dans la salle à manger - 1886 - Berthe Morisot - National Gallery of Washington 


Les ombres de Passy

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Au pied de la maison qui abrita Balzac, un discret hôtel particulier a vu se succéder princesse, bal populaire, café-concert, aliénés et ministre turc. Démoli puis reconstruit à l'identique, siège actuel de l'ambassade de Turquie, il garde le souvenir des ombres célèbres qui firent sa gloire défunte. Guy de Maupassant (1850 -1893) est l'une d'elles.

Jeune romancier révélé en 1880 par le succès de Boule de suif, Maupassant emprunte un chemin singulier qui va le mener de la peinture des mœurs au fantastique comme en témoigne Le Horla

Atteint par la syphilis, il sait qu'il n'a que peu de temps à vivre et écrit de nombreuses nouvelles dans l'urgence. Mais son œuvre naturaliste va évoluer vers la noirceur à mesure que la folie le ronge. Interné en janvier 1892 à la clinique du Dr Blanche qui occupait alors l'emplacement de l'ambassade, l'écrivain meurt en juillet 1893 après un an et demi de délires provoqués par le mal qui le ronge.

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Parisienne, effet de nuit - 1893 - Henri Boutet - National Gallery of Art, Washington. Surnommé le "petit maître du corset" ou le "peintre de la midinette", Henri Boutet se spécialise au cours des années 1890 dans la production d'eaux-fortes et de pointes sèches représentant des femmes en déshabillé et connaît un petit succès auprès d'un public averti. 

Seule sur le trottoir dans la nuit parisienne - situation anormale pour une femme respectable à l'époque - cette jeune personne pourrait figurer dans l'un des nombreux textes que Maupassant consacra à la prostitution. 

L'histoire de cet hôtel particulier sera présentée lors du cycle Tout connaître de Paris 2023-2024.  

 


Un cristal qui a de la gueule

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Depuis des siècles la transparence du cristal de roche séduit les humains, toutes civilisations confondues. Connu depuis la haute antiquité, le cristal naturel est la plus dure de toutes les variétés de quartz. Considéré à l’égal d’une pierre précieuse, il était utilisé pour confectionner des objets d’art d’un très grand luxe et nombre d'objets princiers ou religieux témoignent de sa dimension à la fois précieuse et sacrée. 

Ces deux têtes léonines ont été exécutées à Rome ou Constantinople vers l'an 500. Travaillées dans un bloc de quartz d’une parfaite transparence, elles étaient probablement utilisées comme montants ou accoudoirs d'un trône (un ornement de ce type figure sur le siège qu'occupe le consul Anastasius en 517). Sculptées avec réalisme, percées au niveau de la gueule afin de permettre le passage d'un anneau ; elles ont même été évidées, preuve de la grande habileté de l'artiste. 

Ces pièces exceptionnelles figureront dans l'exposition Voyage dans le cristal présentée au musée de Cluny du 26 septembre 2023 au 14 janvier 2024 et lors du cycle Expos+.

Têtes de lions - vers 500 - quartz - Musée de Cluny, Paris

 


Les victoires de Cézanne

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En ce 15 octobre 1906, le tonnerre gronde sur la montagne Sainte-Victoire et la pluie s'abat sur un homme debout devant son chevalet. Pinceau à la main, il s'obstine. Ce motif, cette montagne, ce bloc de calcaire, Cézanne en a fait sa muse. Pour l'apprivoiser,  il l'a représentée sur 87 tableaux, 44 huiles et 43 aquarelles. 

Epuisé et frissonnant de fièvre, il finit par tomber. « On l’a ramené, rue Boulegon, sur une charrette de blanchisseur et deux hommes ont dû le monter dans son lit. » Très affaibli par une pneumonie, il se relève pourtant de temps à autre pour ajouter une touche à une aquarelle installée près de lui.

Cézanne s'éteint une semaine plus tard et réalise ainsi son vœu ; mourir en peignant. Lui qui comparait la peinture à « une méditation le pinceau à la main ». 

Montagne Ste-Victoire et Château noir - Paul Cézanne - 1904-1906 - Philadelphie Museum of Art. Reprise des cours d'histoire de l'art - en salle à Chartres et en visioconférence - début octobre. 

 

 

 


Le pouvoir (non négligeable) d'un peintre

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Grand tableau illustrant la visite de Bonaparte aux pestiférés de Jaffa pendant la campagne d'Egypte, cette œuvre d'Antoine-Jean Gros est parfaitement orchestrée. Tout dans sa mise en scène désigne le héros à l'admiration du spectateur ; debout dans la lumière, vêtu du riche costume de général du Directoire, Bonaparte touche sans crainte la tumeur d'un malade de sa main dégantée. 

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Mais les officiers qui l'encadrent ne semblent pas tous partager l'héroïsme de leur chef. Sur la gauche, l'un d'eux se protège même la bouche de son mouchoir ; il s'agit de Bessières, officier que le peintre connaissait bien mais envers lequel, il nourrissait un certain ressentiment. La cause ? Ce dernier s'était comporté avec une certaine condescendance à son égard lors d'une précédente rencontre.

Grand succès au Salon de 1804, le tableau réussit le double challenge de valoriser le peintre et son commanditaire tout en ridiculisant l'un de ses modèles. L'histoire ne dit pas si Bessières mit aussi un mouchoir sur son orgueil....

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa - 5m x 7,20m - Musée du Louvre, Paris. Ce tableau sera analysé lors du cycle Tout connaître de Paris 2023-2024.  

 


Un fortifiant nommé campagne

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Mai 1890, après un bref séjour parisien chez son frère, Van Gogh quitte l'agitation de la capitale pour retrouver le calme de la campagne à Auvers-sur-Oise. Dans ce village situé au nord-ouest de Paris vit le docteur Gachet qui est aussi peintre amateur. Il collectionne les oeuvres de l'art moderne, dont celles de Pissarro et c'est sur recommandation de ce dernier que Théo l'a contacté. Inquiet, il demande au docteur de bien vouloir garder un œil sur son frère. 

Gachet s'acquitte bien volontiers de sa mission et stimule Vincent afin qu'il peigne. Ce dernier semble se plaire à Auvers ; il écrit d'ailleurs à Théo qu'il a trouvé en Gachet un véritable ami et produit en peu de temps un grand nombre de tableaux de paysage. Des tableaux à la signification positive : "ces toiles vous diront ce que je ne sais dire en paroles ; ce que je vois de sain et de fortifiant dans la campagne".

Malgré ces phrases enthousiastes et une reconnaissance qui commence à se faire jour, le peintre est en proie à de terribles doutes ; il pense être un artiste raté. Et le paysage auversois qui lui apportait une relative sérénité deviendra quelques semaines plus tard l'expression de sa tristesse et "de la solitude extrême". 

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Paysage - 1890 - Vincent van Gogh - Art Institute, Chicago     L'exposition Van Gogh à Auvers-sur-Oise, les derniers mois  programmée au musée d'Orsay à l'automne, sera présentée en salle ART'Hist lors du cycle Expos+.


Inutile et monstrueuse

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En février 1887, le journal Le Temps fait paraître une lettre ouverte assassine signée Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Charles Garnier et quelques autres figures célèbres de l'époque.

La raison de leur courroux ? Le projet fou d'un certain Gustave Eiffel, entrepreneur spécialisé dans les charpentes métalliques. Auteur de la structure de la statue de la Liberté inaugurée en 1886 dans la rade de New York, il entend bien s'illustrer cette fois-ci à Paris, lors de la prochaine Exposition universelle programmée en 1889. Mais son projet d'une tour gigantesque suscite une vive polémique dans le monde des arts, ce qui conduit plusieurs grands noms à s'exprimer dans la presse pour signifier leur opposition.

La tour, une fois construite, continuera à alimenter leur désapprobation. Verlaine la compare à un "squelette de beffroi" tandis que Huysmans y voit un" tuyau d'usine en construction". Quant à Guy de Maupassant, il y déjeune car - dit-il - c'est le seul endroit où il ne la voit pas.

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Sur cette estampe, la dame de fer - alors âgée d'une douzaine d'années - se détache sur un panorama typique des toits parisiens et ne semble guère souffrir de la comparaison malgré les vives critiques de Maupassant : "Cette haute et maigre pyramide d'échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes, et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d'usine".

"Les 36 vues de la Tour Eiffel " - Henri Rivière - 1902 - Musée Carnavalet, Paris. 

Ce sujet sera présenté lors du cycle Tout connaître de Paris 2023-2024.  

 


Morphologie secrète du panier et de la cruche

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Quoi de plus banal qu'un panier à deux anses ?  Pourtant la plume de Balzac et le dessin d'Henry Monnier lui donnent une toute autre résonnance lorsque le texte rencontre l'image.

Vêtue d'une robe couleur d'osier, une passante déambule accrochée aux bras de deux messieurs portant l'ombrelle et le châle de la demoiselle. Le titre choisi - Un panier à deux anses - laisse entendre qu'elle saura user ou même abuser de cette double bonté. Sur la gravure ci-dessous, titrée de la même façon, un homme s'avance avec à ses bras, deux jeunes femmes. Bien que les places soient inversées, le propos est identique.

Dramaturge, acteur et dessinateur, Henry Monnier croque les mœurs et physionomies de ses contemporains avec autant de finesse que Balzac lorsqu'il écrit dans La Comédie humaine " un provincial [...] garni des deux anses par lesquelles les femmes prennent ces sortes de cruches quand elles veulent les garder."  (Extrait de Béatrix)

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L'amour joue un rôle essentiel dans les romans de Balzac, tôt privé de tendresse maternelle. Observant avec beaucoup d'acuité les femmes, il met en scène leurs rêves comme leurs égarements. Mais, les imaginant adultères, il n'oublie pas de décrire aussi les arcanes d'une société qui les condamne à être parfois mal mariées et humiliées. Cruches et paniers se retrouvent ainsi sur un pied d'égalité. 

Estampes "Le  Panier à deux anses" - H. Monnier - 1827 - Maison de Balzac, Paris    La maison de Balzac sera présentée lors du cycle Tout connaître de Paris 2023-2024.  

 

 


Une maison 'sensationnelle' selon le peintre Signac

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'devant laquelle les passants béent, des groupes chevelus discutent, les cyclistes se relèvent, les automobilistes s'arrêtent et lorsque le régiment défile, le colonel massivement se retourne et se congestionne'.

L'objet de toute cette attention est le Castel Béranger, immeuble Art nouveau construit par Hector Guimard dans le quartier d'Auteuil. Signac, récemment installé dans son nouvel atelier du sixième étage, se délecte visiblement des réactions provoquées par sa nouvelle demeure tout en qualifiant l'architecte du titre de 'constructeur de la Maison joyeuse dans la Cité future'. 

Un enthousiasme à vrai dire volontairement exagéré mais qui réagit aux nombreuses attaques visant alors Guimard.

Dans le numéro du 7 avril 1899 du Journal des débats politiques et littéraires, le journaliste André Hallays écrit : 'Mais que viennent donc faire aux balcons tous ces masques diaboliques ? Et ces informes ornements de grès ? Que veut dire le dessin baroque des fers et des cuivres qui ornent les portes, les vestibules et jusqu’aux soupiraux, sorte de paraphe gauche et grêle ? Pourquoi sur les vitraux ces bariolages imprévus pareils à des zigzags de foudre ?'

C’est vraiment une maison de cauchemar." 

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Détails de la façade du Castel Béranger.
L'ensemble avait été rebaptisé Dérangé ou la Maison des diables en raison des masques, hippocampes et autres coups de fouet peuplant ses murs. Cette construction 'cauchemardesque' sera commentée lors du cycle Tout connaître de Paris saison 2023-2024.


Du vin et des câlins

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Dès les 16e et 17e siècles, les frères du couvent des Minimes de Passy - qui n'était pas encore un quartier parisien - utilisaient les carrières de calcaire pour conserver leur vin. Respectant un strict régime végétarien, la consommation du précieux liquide était leur principal plaisir et ils apportaient donc un soin tout particulier à sa vinification.

Mais la règle de l'ordre imposait aussi le silence et l'obligation de ne pas changer d'habit. Ce qui n'allait pas sans quelques inconvénients olfactifs ; les moines dégageaient une odeur d'huile rance particulièrement tenace selon les habitants du village. Pour autant, leurs relations de voisinage ne semblent pas en avoir souffert et une certaine cordialité régnait entre laïcs et religieux. Du reste, ces derniers - plutôt affables - étaient surnommés "les Bonshommes" par les habitants de Passy, eux-mêmes qualifiés de "Câlins".

Ombres portées (détail) : un moine buvant une coupe de vin est doublé par sa silhouette en forme de cruche - 1830 - Grandville , Dessinateur-lithographe - Maison de Balzac.  Ce sujet sera développé lors du cycle Tout connaître de Paris 2023-2024. 


J'écris donc je suis

Cliché Anne Chevée

Bien qu'on ne puisse résumer la naissance du street-art à cette phrase, l'art urbain est indéniablement un moyen d'exister ou plutôt de montrer que l'on existe et dont les origines s'expriment à travers le graffiti, de Lascaux à Philadelphie. 

Son expansion contemporaine est étroitement liée aux mutations des milieux urbains et à leurs modes de transport. Dans les années 60-70, la multiplication de logements d'une grande banalité dans des quartiers qui se marginalisent, l'omniprésence des supports de communication visuelle (affiches, panneaux de signalisation) vont favoriser les prémices du mouvement

Observant les visuels imposés par la publicité ou par les autorités administratives, une jeune génération prend alors d'assaut ces espaces, se les approprie en y inscrivant ses propres codes. Cherchant à être vus par le plus grand nombre et le plus rapidement possible, ces tagueurs affectionnent notamment les rames du métro. C'est ainsi que le réseau new-yorkais devient une cible privilégiée dans les années 70.  Avides de reconnaissance, les auteurs de ces écritures sauvages se distinguent les uns des autres en stylisant leur signature. Mais la concurrence féroce que se livrent les tagueurs new-yorkais prendra de telles proportions qu'elle provoquera la réaction hostile de la municipalité.

Enrichi par l'adoption de nouveaux sujets d'inspiration comme la bande dessinée ou le pop art, l'art urbain n'a cessé de gagner en reconnaissance. Désormais reconnu comme un mouvement artistique à part entière, il est entré dans les musées. "Domestiqué", il fait l'objet de commandes officielles, ornant les murs des villes en toute légalité.

Mais une part essentielle de son histoire passée et actuelle pose la question de sa prolifération sauvage. Envahissant la rue de manière illégale, le graffiti soulève de nombreux questionnements. D'une part se pose le problème de la dégradation des espaces privés ou publics mais aussi celui d'un environnement visuel imposé par une minorité et perçu comme une détérioration de leur cadre de vie par d'autres. 

Peinture de DacRuz près du canal de l'Ourcq - Paris 19e arrondissement. Circuit pédestre La Villette, à découvrir dans le dernier tome des Promenades parisiennes. Achat en ligne ou à l'Esperluète, Chartres (retrait en magasin ou envoi).

 

 

 


Mégère non apprivoisée

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A deux pas de la place de Clichy, une statue de Berlioz se dresse dans le square verdoyant de l'ancienne place Vintimille, rebaptisée Adolphe Max. Ouverte en 1844, cette charmante place voisinait alors avec plusieurs ateliers d'artistes dont celui d'Edouard Vuillard qui l'immortalisa à plusieurs reprises.

Au 17 de la rue de Vintimille, une porte verte signale l'entrée de l'immeuble où - en 1856 -  Berlioz vécut quelques mois avec Marie Recio. Cette jeune cantatrice de onze ans sa cadette miaulait comme deux douzaines de chats selon les propres termes du musicien. Véritable mégère, sa possessivité étouffera vite Hector qui pourtant l'épousera ... Comme quoi, l'amour ; chat ne s'explique pas.

Place Vintimille, 1911 - E. Vuillard - National Gallery of Art, Washington

Anecdote à retrouver en suivant l'un des circuits du livret n°5 des Promenades parisiennes. Où trouver ce livret ?  Sur les étagères de l'Esperluète, à Chartres (commande en ligne possible) et sur le site ART'Hist.

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Points de vue

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Depuis des millénaires, la mémoire des populations aborigènes d’Australie se transmet grâce aux peintures et aux songlines ou « chants de piste », ces savoirs ancestraux acquis par les aînés. Bien plus que des récits légendaires, ces songlines représentent à la fois une voie spirituelle et l’instrument qui permet de nommer, de localiser les sites importants où trouver l’eau et la nourriture, essentiels à la survie dans le désert, et de s’en souvenir.   

Mais l’artiste ne dessine pas le paysage, il le décrit ou plus exactement il raconte sa formation et ses transformations par les Ancêtres. Les Aborigènes recouvraient le sol de pointillés réalisés avec des pigments naturels (craie, argile, charbon de bois, ocres) et disposés à l'aide d'un bâtonnet. C'est cette pratique qui est à l'origine de la peinture aborigène contemporaine - souvent qualifiée de pointilliste - née dans les années 1970 à l'instigation de certains Occidentaux. 

Peinture exposée à Paris, au musée du Quai Branly, lors de l'exposition Songlines en 2023 (détail ci-dessus). Cette œuvre sera commentée lors du cycle Tout connaître de Paris saison 2023-2024  

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Lumière !

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En une seule scène, le peintre de ce joyau de l'art médiéval finissant réussit à représenter les mystères de la Résurrection, de l'Ascension et de la Transfiguration.

Comme les autres panneaux du célèbre retable d'Issenheim, cette image saisissante exerce une attraction troublante sur les visiteurs. Commandé à Matthias Grünewald et au sculpteur Nicolas de Haguenau en 1512, ce polyptyque ornait le maître-autel du couvent des Antonins où l'on soignait les victimes d’une terrible maladie appelée alors « feu de saint Antoine » ou « mal des ardents ». 

La conférence hors-cycle du mercredi 7 juin permettra d'éclairer l'histoire mouvementée de ce chef-d'œuvre. Informations et inscription en ligne.


L'art qui raccommode

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Bien que le recyclage soit à la mode, le fait de repriser ses chaussettes n'apparait généralement pas très glamour. Les japonais ont pourtant su en faire un art à part entière.

Sublimer les matières usées, brisées ou oubliées est une tradition au pays du Soleil Levant depuis des milliers d’années grâce à deux techniques; le sashiko boro qui brode les tissus rapiécés tandis que le kintsugi complète et transfigure les objets ébréchés. 

L'artiste franco-allemand Jan Vormann redonne vie aux murs abimés avec des Lego, ces petites briques de couleur synonymes d'enfance et de construction. C'est ainsi que les piliers installés quai de Metz à Paris, en bordure du canal de l'Ourcq, ont été complétés. Un dispositif ludique qui veut " rendre le gris des paysages urbains plus coloré et plus humain ".

Circuit pédestre La Villette, à découvrir dans le dernier tome des Promenades parisiennes. Achat en ligne ou à l'Esperluète, Chartres (retrait en magasin ou envoi).


De la vaisselle à la prison

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Le saint-simonisme est une utopie qui influença le monde industriel et politique français au 19e siècle. L'un des épisodes les plus rocambolesques de l'aventure saint-simonienne se déroula sur les pentes de Ménilmontant. 

Fervent disciple du défunt fondateur, Prosper Enfantin s'était retiré en 1832 avec une quarantaine de ses adeptes dans une maison située près de l'actuel square de Ménilmontant. Vivant dans une communauté égalitaire et donc sans domestiques, tous les membres devaient œuvrer pour le bien commun. Cette estampe les montre vaquant à de multiples activités ménagères - vaisselle, ménage, cirage des bottes - tous vêtus d'un costume tricolore dont le gilet s'attachait dans le dos. Ce détail vestimentaire était symbolique de leur volonté d'entraide fraternelle puisqu'il nécessitait l'intervention d'un comparse pour fermer son vêtement. 
Très avant-gardiste et trop exaltée, leur conception d'une nouvelle société provoqua de nombreux remous. Inculpés de réunions publiques illicites, d'outrages aux bonnes mœurs et d'escroquerie, les saint-simoniens furent contraints à la dispersion et leurs principaux dirigeants, condamnés à la prison ferme.

Le square des saint-simoniens est l'une des étapes du circuit "Belleville-Ménilmontant" à découvrir dans le dernier livret des Promenades parisiennes.  


Fleurs de Marie

Roses et oiseaux

Fleur d'Aphrodite dans la mythologie antique, le christianisme fit de la rose la fleur consacrée à la Vierge.

Qualifiée de "rose sans épines" parce que née hors de la souillure du péché originel, Marie est aussi associée au lys et à la violette. Le premier renvoie à sa pureté tandis que la seconde - petite fleur sans grande prétention - évoque son humilité. Comme le lys, la rose blanche est synonyme de sa pureté et lorsqu'elle est rouge, elle s'associe au sang versé par le Christ et donc au martyre. 

Chef-d'œuvre de délicatesse et de raffinement, la Vierge au buisson de roses a été peinte en 1473 par Martin Schongauer pour l'église principale de Colmar, sa ville natale. Cette œuvre impressionne tant par la monumentalité de la Vierge à l'Enfant que par la somptuosité des rosiers et des petits passereaux découpés sur le fond d'or.

Volé en 1972 puis retrouvé l'année suivante, ce grand retable constitue un témoignage exceptionnel des derniers raffinements de l'art courtois à l'aube des Temps modernes. Il sera commenté lors de la conférence "Art et péripéties", mercredi 7 juin en salle ART'Hist.  

 


Les vertus cachées d'un pot

Jeune femme à l'aiguière
Une main sur le battant de la fenêtre, l'autre saisissant l'aiguière* posée sur la table, cette femme semble indécise et incline légèrement la tête comme pour réfléchir. Gestes simples, images de la vie quotidienne, tout l'art de Vermeer réside dans l'économie de cette mise en scène.

Mais la composition se révèle bien plus complexe qu'il n'y parait au premier regard. Car si l'aiguière et son bassin appartiennent au rituel traditionnel de la toilette, l'œil des contemporains du peintre y décelait aussi une allusion aux valeurs morales qui doivent guider l'homme lors de sa vie terrestre. 

Pour l'Eglise catholique, le comportement modeste et vertueux de la mère de Dieu est un modèle à suivre. La clarté émanant de la fenêtre associée aux reflets de la carafe posée dans un bassin d'eau claire font allusion à la pureté de Marie. Cette conception mystique de la Vierge a été illustrée dès le Moyen-Age par les peintres du nord mais de façon plus directe. Sur le retable de Mérode attribué à Campin, la scène de l'Annonciation est combinée avec les représentations minutieuses d'une bassine d'eau et de rayons lumineux portant l'Enfant-Jésus.

Sans avoir recours à une précision extrême du détail - tout en insufflant véracité et proximité aux scènes représentées - le génie de de Vermeer consiste à élever ses modèles au-dessus du profane. Alliance de poésie et de délicatesse, plongez dans l'univers du maître de Delft avec la visioconférence "Vermeer chez vous".

La jeune femme à l'aiguière - 1662-64 - Johannes Vermeer - Metropolitan Museum of Art, NYC               *l'aiguière est un broc ou pot utilisé pour verser de l'eau


Cachez ces seins .....

Cabinet glaces
Petite pièce luxueusement décorée, le cabinet des glaces de l'Hôtel de la Marine témoigne du raffinement de son commanditaire, Pierre Elisabeth de Fontanieu. Cabinet ou boudoir, ce type d'espace ne répondait pas toujours aux codes décoratifs des autres pièces où mode et convenances jouaient un rôle important. 

Intendant général du Garde-Meuble de la Couronne, intellectuel, esthète et célibataire, Fontanieu se passionnait à la fois pour la gemmologie et pour les danseuses de ballet. Contigu à sa chambre, ce cabinet doté d'un lit de repos était orné de miroirs peints figurant des divinités féminines gréco-romaines dans le plus simple appareil. Il est probable que ces jolies figures dénudées furent complices des rendez-vous galants organisés en ces lieux. Mais, rhabillées à la demande de l’épouse du second Intendant, Madame Thierry de Ville-d’Avray, les déesses furent transformées en chérubins afin de rendre le décor plus convenable. 

Visite guidée de l'Hôtel de la Marine jeudi 25 mai à 11h45. Informations et inscriptions 


Célébrations printanières

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Le printemps - associé à l'idée de renaissance joyeuse - a été une source d'inspiration constante pour Maurice Denis, le nabi "aux belles icônes".

Liant l'image du printemps profane à celle du printemps sacré, il peint une cohorte d'anges et de jeunes gens dans un cadre fleuri. Installé près de la forêt de St-Germain-en-Laye, amoureux de la nature, le peintre y puise un abondant répertoire de motifs décoratifs. Pour Denis, il n'y a pas de différence entre profane et sacré ; ainsi, son printemps terrestre devient l'antichambre du Paradis. 

Maurice Denis - Le Paradis - 1912 - Huile sur bois - Musée d'Orsay

Ex-Jupiter chartrain

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Ce grand camée antique offert à la cathédrale beauceronne au 14e siècle, ornait la châsse de la Ste-Chemise de la Vierge. Cadeau du roi Charles V, venu en pèlerinage à Chartres, il est en sardonyx et mesure un peu plus de 15 cm de haut.
 
Technique de gravure en relief des pierres fines - à ne pas confondre avec l'intaille qui grave en creux - l'art du camée était particulièrement apprécié par les Romains. Pierre siliceuse, la sardonyx se prête admirablement à l’effet recherché ; ses couches superposées de différentes couleurs permettent d'obtenir des contrastes suggestifs. En retirant à certains endroits la couche supérieure, l’artiste laisse apparaître son motif, sa couleur contrastant avec celle de la couche inférieure.
 
Aux 14e et 15 siècles la plupart de ces camées prirent un caractère magique et surnaturel. Par exemple, on attribuait aux agates irisées une puissance miraculeuse contre les maladies physiques et morales. Leur réutilisation sur des croix, des reliquaires et divers objets de culte préserva de nombreuses œuvres condamnées à la destruction. Lors de la Révolution française, la châsse chartraine fut détruite et le camée prélevé, le 17 septembre 1793, pour le Cabinet des médailles. Les perles et rubis de la monture arrachés ont été remplacés par des fleurs de lys et des dauphins en vermeil provenant d'un autre objet d'art.
 
Conservée à la BnF sur le site Richelieu, c'est l'une des oeuvres commentées lors du cycle Expos+ cette semaine. 
 

Je vais bien

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Pas de syndrome de Stendhal* au retour d'Amsterdam, seulement le goût de l'art imaginaire ...et culinaire. (*trouble à la fois physique et psychologique, provoqué par l'admiration d'un grand nombre d'œuvres d'art.) 

Voici donc ma contribution aux multiples pastiches de la Joconde du Nord, née  - la contribution, pas la jeune fille - sur la table de ma cuisine en préparant le prochain rendez-vous du Grand Monarque. 

L'œuvre originale sera commentée vendredi 10 mars lors du dîner-conférence "Les perles de Vermeer", à Chartres, dans les salons du Grand Monarque. Informations et réservation au 02 37 18 15 15 

 


Un habit solaire

Lettre interrompue - Copie

Allusions aux réussites commerciales des Provinces-Unies, les tableaux des peintres de genre regorgent d'une multitude de motifs qui témoignent de la richesse et du statut social d'une personne tout en permettant aux artistes de déployer toute l'étendue de leurs talents. 

Vermeer, comme ses confrères, se prête au jeu et habille son modèle d'une luxueuse veste jaune ornée de fourrure. Représentée dans différents tableaux, cette pièce de vêtement appartenait probablement à l'artiste car elle est mentionnée dans l'inventaire posthume de la maison de Vermeer.

Portée par les femmes à tous les niveaux de la société, ce type de veste ample tombant sur les hanches est un vêtement d'intérieur confortable dont la vogue apparait dans les années 1640. Les plus ordinaires étaient confectionnées dans des tissus résistants aux couleurs sombres ; les plus élégantes en soie et d'une grande diversité de coloris.

Apanage des femmes des milieux aisés lorsqu'elles sont dans leur intérieur, leur présence dans un tableau fait entrer le spectateur dans la sphère intime du modèle. De plus en plaçant cette étoffe chatoyante sur un fond sombre, Vermeer fait de la couleur jaune une source de lumière. La lettre interrompue - 1665-67 - Johannes Vermeer - National Gallery, Washington

Œuvre commentée lors de la visioconférence en direct consacrée au maître de Delft : vendredi 16 juin de 10h à 11h ou lundi 19 juin de 21h à 22h. Une idée-cadeau à l'occasion de la fête des mères : inscription en ligne 

 


Luxe, calme et volupté

Petit format
Dans cette Jeune fille au chapeau rouge de Vermeer, le rendu virtuose de la lumière fascine toujours et encore notre œil de spectateur moderne souvent saturé d'images.

Privilégiant la lumière, le maître de Delft obtient un effet adouci en peignant de telle sorte que les limites entre les formes s'estompent. Ainsi, pour former des rehauts, Vermeer ajoute avec une grande maitrise de petites gouttelettes de pâte blanche dans la couleur brune encore fraîche.

Idéal de beauté, le modèle porte quelques accessoires bien choisis qui signalent son appartenance à une classe aisée ; châle satiné et coiffe d'un beau rouge duveteux. Outre leur coût, porter des vêtements délicats supposait une existence oisive, entourée de domestiques susceptibles de les entretenir.

Une toilette complétée par quelques perles dont la forme simple contraste avec la complexité des bijoux de l'époque précédente. Plus elles étaient grosses, plus elles se révélaient précieuses. Symbole de de pureté ou de luxure, chez Vermeer la perle devient idéal de raffinement et de beauté féminine là où tout ne semble plus être que luxe, calme et volupté.   La jeune fille au chapeau rouge - vers 1665-1666 - Johannes Vermeer - National Gallery, Washington

Œuvre commentée vendredi 10 mars lors du dîner-conférence "Les perles de Vermeer", à Chartres, dans les salons du Grand Monarque. Informations et réservation au 02 37 18 15 15 

 


Fleur de pénitencier

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A l'instar de Van Gogh, Oskar Kokoschka (1886-1980) a multiplié les autoportraits tout au long de sa carrière. Affirmant sa rupture avec l'élégance de l'Art Nouveau et Gustav Klimt, il impose une touche nerveuse et colorée qui traverse le siècle et les deux guerres mondiales. 

Peintre germanique à jamais exilé, adepte des messages allégoriques, Kokoschka use de ses portraits pour aiguiser le regard de ses concitoyens. Le tableau qu'il intitule "Autoportrait en artiste dégénéré" répond aux humiliations subies par le régime national-socialiste. Ouverte à Munich en 1937, quatre ans après l'autodafé de livres, l'exposition Entartete Kunst (exposition d'art dégénéré) est une manifestation organisée par Goebbels qui dénonce l'avant-garde européenne. Neuf de ses tableaux y sont exposés près des oeuvres de Kandinsky, Chagall... 

Kokoschka répond à l'affront par un nouvel autoportrait, affirmant ainsi sa fierté d'appartenir à une avant-garde honnie par le régime nazi. Œuvrant sans relâche à faire de son art, une expression engagée et pacifiste, celui que la presse viennoise qualifia "d'effroi du citoyen", de "corrupteur de jeunesse" et de "fleur de pénitencier" empruntera in extremis le chemin de l'exil et militera ardemment pour la construction culturelle européenne.                     La rétrospective du musée d'Art moderne de Paris rend hommage à cet artiste majeur issu de la Sécession viennoise mais dont l'œuvre reste méconnue en France.     Visite guidée de l'exposition samedi 3 décembre à 12h15     billetterie en ligne (visite guidée + billet d'entrée)

Autoportrait en "artiste dégénéré" - 1937 - National Gallery of Scotland, Edimbourg


Deux joues rousses

Autumn_1985.64.22 Wislow Homer NGAC

Nimbée des couleurs de l'automne, cette jeune femme semble émerger de la prose de Marcel Proust : "Je me souviens d'une au teint roux de coléus, aux yeux verts, aux deux joues rousses et dont la figure double et légère ressemblait aux graines ailées de certains arbres. Je ne sais quelle brise l'amena à Balbec et quelle autre la remporta." 

Proust considère que le réel n’existe véritablement comme tel qu’une fois transfiguré par l’œuvre d’art. Alors, au diapason de l'auteur de la Recherche, prenez le temps d'admirer le beau portrait que nous livre l'artiste américain Winslow Homer(1836-1910). Paysagiste et graveur, surtout connu pour ses sujets marins, il est considéré comme l'un des plus grands peintres de l'Amérique du 19e siècle.

Peinte après un séjour parisien, cette composition met en valeur les couleurs chaudes et dorées unissant l'élégant modèle au paysage. Contemporain de Courbet et Manet, Homer s'attacha à développer un sens de la nature particulièrement lyrique. Jouant sur le contraste entre la tenue noire et les feuillages colorés, sa peinture est à la fois réaliste et poétique. Quelques années plus tard - et suite à des déconvenues amoureuses - le choix de ses sujets féminins évoluera, privilégiant les femmes qui travaillent aux belles oisives, les bonnes joues rouges aux délicates joues rousses. 

Automne -1877 -Winslow Homer - NGA, Washington  Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace. 

 

 


Des fleurs en peinture

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Tout lecteur de la Recherche du temps perdu est frappé par le nombre exceptionnel d’images qui émaillent le texte de Marcel Proust. Nombre d'entre elles font allusion à des peintures et témoignent du rôle que l’art joue chez cet écrivain ; il révèle le monde réel, non pas en le reflétant tel qu’il est, mais en le recréant.

Ce délicat bouquet du peintre Odilon Redon exprime la même liberté créative. Jeune homme, Redon était fasciné par la biologie darwinienne et entretenait une amitié étroite avec le conservateur des jardins botaniques de Bordeaux, sa ville natale. Dans cette nature morte florale tardive, l'artiste partage l'émerveillement du naturaliste en combinant de nombreux types de fleurs.

Bien avant que bleuets et coquelicots ne deviennent des fleurs de mémoire et de solidarité, les fleurs ont illuminé la production de Redon, véritables symboles de paix et de renouveau.

Un langage des fleurs que Proust mania aussi - avec les mots - préférant les fleurs en peinture plutôt qu’au jardin ; sa santé fragile ne lui permettant plus guère de s'en approcher dans les dernières années de sa vie.  

Bouquet de fleurs - 1900-1905 - Odilon Redon - Met. Mus. NY Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace. 


Le thé, une arme de séduction ?

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Attentif aux rituels de son époque, Marcel Proust est particulièrement sensible aux plaisirs qui accompagnent le thé. "Je portais à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi."

Apparu en France vers 1640, le thé resta une boisson beaucoup plus chère que le café et sans lieux de sociabilité tout au long du 18e siècle. De fait, à Paris la mode était alors plutôt au café. Dans les années 1780, l'Angleterre consomme annuellement 9.000 tonnes de thé - soit un kilogramme par personne et par an - contre 95 tonnes pour la France. 

A la fin du 19e siècle, la société avide de nouveautés que décrit Proust s'enthousiasme pour le rituel du thé, synonyme d'une certaine élégance. Dans la Recherche du temps perdu, le personnage d'Odette, cocotte soucieuse de bienséance, en témoigne. "Odette fit à Swann « son » thé, lui demanda : « Citron ou crème ? » et comme il répondit « crème », lui dit en riant : « Un nuage ! » Et comme il le trouvait bon : « Vous voyez que je sais ce que vous aimez. » Ce thé en effet avait paru à Swann quelque chose de précieux comme à elle-même et l'amour a tellement besoin de se trouver une justification, une garantie de durée, dans des plaisirs qui au contraire sans lui n'en seraient pas et finissent avec lui, que quand il l'avait quittée à sept heures pour rentrer chez lui s'habiller, pendant tout le trajet qu'il fit dans son coupé, ne pouvant contenir la joie que cet après-midi lui avait causée, il se répétait : « Ce serait bien agréable d'avoir ainsi une petite personne chez qui on pourrait trouver cette chose si rare, du bon thé."

Lorsque le peintre James Tissot s'installe à Londres en 1871, il s'immerge dans la scène locale et compose des peintures de genre avec la Tamise en toile de fond. Cette toile illustre la préparation du thé par une ravissante jeune femme qui évoque l'élégante Odette du roman proustien.  Le thé - 1871 - J. Tissot - Metropolitan museum, NY

Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace. 

 

 


Kokoschka, peintre lucide et "dégénéré"

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"Enfant terrible" de la Vienne intellectuelle et artistique du tournant du XXe siècle, le peintre autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980) est l'un des pionniers de l'expressionnisme. Observant la montée du nazisme pendant l'entre-deux guerres, il multiplie articles et conférences pour alerter l'opinion du danger qui se profile.

Peintre reconnu, ses prises de position ne seront pas sans conséquences sur sa carrière: quatre-cent-dix-sept de ses oeuvres sont confisquées dans les collections publiques allemandes. Qualifié d'artiste dégénéré par les autorités en 1937, neuf de ses tableaux sont exhibés aux côtés d'autres oeuvres majeures de l'avant-garde européenne. Sa réponse sera cinglante et colorée ; il affirme clairement ses opinions en produisant un autoportrait en "artiste dégénéré". 

Grand portraitiste, peintre de la passion amoureuse, excellent faiseur de natures mortes et de paysages, Kokoschka sut se réinventer tout au long de sa carrière et remettre en jeu sa peinture. La rétrospective du musée d'Art moderne de Paris rend hommage à cet artiste majeur issu de la Sécession viennoise mais dont l'œuvre reste méconnue en France.     Visite guidée de l'exposition samedi 3 décembre à 12h15     billetterie en ligne (visite guidée + billet d'entrée)

Autoportrait les bras croisés - 1923 - Museum Kunstsammlungen Chemnitz


Frida, le langage des apparences

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Désormais considérée comme une icône universelle, l'artiste mexicaine Frida Kahlo a construit son identité en usant largement du pouvoir des apparences.

Ses choix vestimentaires originaux attiraient les regards, lui permettant à la fois de se révéler tout en cachant ses handicaps. Car la nature et le destin ne l'ont pas épargné, lui léguant un corps meurtri par un accès de polio dès sa tendre enfance puis par le terrible accident dont elle sera victime à 18 ans. Affligée d'une jambe plus courte que l'autre, enfermée dans des corsets orthopédiques, Frida choisira la voie de l'originalité vestimentaire pour braver les épreuves d'une vie marquée par la douleur physique et la souffrance. 

S'habiller constituant un véritable rituel pour elle, ses proches se souviennent qu'elle mettait un soin particulier à choisir ses vêtements et arranger sa coiffure. Cheveux longuement brossés puis tressés, souvent ornés des fleurs du jardin, elle accordait beaucoup d'attention à son visage et fit de l'autoportrait le genre majeur de sa production. La manière dont elle arrangeait et agrémentait sa coiffure, donnait généralement le ton de son état d'esprit du jour. Couronnée de fleurs, Frida pouvait offrir l'image d'une épouse séduisante. Mais, trompée par son époux Diego Rivera, elle s'affichera aussi en costume masculin, dépouillée de sa féminité, une paire de ciseaux à la main au milieu des mèches coupées de ses longs cheveux. 

Rencontres avec l'univers de Frida Kahlo : ateliers pour enfants mardi 25 et mercredi 26 octobre - dîner-conférence au Grand Monarque à Chartres vendredi 25 novembre

 

 

 


Une foule angélique

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Connaissez-vous l’angélologie ?  Une doctrine qui donne des ailes (ou pas) puisqu’elle permet d’étudier les anges qui - parait-il - n'ont pas toujours été dotés de plumes. 

Dès le Moyen-Âge, ces créatures célestes s'imposent comme médiatrices entre ciel et terre. Les anges se rendent indispensables à Dieu, aux prophètes et aux saints multipliant les services : gardiens du trône céleste et de la Vierge, l'un d'eux délivre saint Pierre de sa prison, d'autres portent à bout de bras les cierges, balancent en rythme les encensoirs.

Mais les anges ne sont pas tous égaux, ils obéissent à une hiérarchie qui précise leur spécialité et leur aspect. Ainsi, séraphins et chérubins se définissent par leurs ailes, six pour les premiers, quatre pour les seconds. Peu actifs, ce ne sont pas des messagers mais leur fonction est essentielle : ils protègent l'Arche d'Alliance. À contrario, l'angelot né de la rencontre entre le putto et l'ange adolescent, semble détaché de toute responsabilité.

Acteurs ou simples éléments décoratifs, les anges sont à la fois nombreux et discrets. Juchés sur les parois des églises ou accrochés aux cimaises des musées, ils n'ont cessé d'habiter l'univers des artistes.  Ange de l'Annonciation - Cathédrale de Chartres - Tour de chœur - © Anne Chevée

Prochains rendez-vous (célestes ! ) : samedi 15 octobre et samedi 19 novembre, les anges seront au programme des visites-flash du musée des Beaux-arts de Chartres. Samedi 22 octobre, rencontre avec quelques figures angéliques lors de la présentation de la clôture restaurée du chœur de la cathédrale. 


Escapade automnale

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Puisque la douceur des derniers jours de septembre incite à la promenade, voici une escapade artistique autour de trois monumentales meules de foin peintes par Jean-François Millet (1814–1875), auteur de L'Angélus, chef-d'œuvre de l'École de Barbizon.

Commandé en 1868 par l'industriel Frédéric Hartmann, ce beau tableau évoquant l'automne est issu d'une série représentant les quatre saisons. En dépit de son intérêt pour cette commande, Millet y travailla par intermittence pendant les sept années suivantes.  Exécutée en 1874 cette toile est caractéristique du style des dernières années de Millet. Sa touche plus lâche révèle ici la couleur du fond rose, délibérément exposée. Il travaille aussi davantage les jeux de lumière et la luminosité de ses tableaux, autant de signes annonciateurs de l'Impressionnisme.

Millet meurt en 1875 - peu après la naissance officielle du mouvement - sans achever la dernière toile de la série, L'Hiver.                    À l'automne - J.-F. Millet - 1874 - Metropolitan m. NY

L'automne annonce la reprise des cycles ART'Hist. Reprise des séances en salle ou en visioconférence début octobre. 

 


Mme Swann se promenait dans l'avenue du Bois comme dans l'allée d'un jardin

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[...] Ce qui augmentait cette impression que Mme Swann se promenait dans l'avenue du Bois comme dans l'allée d'un jardin à elle, c'était – pour ces gens qui ignoraient ses habitudes de « footing » – qu'elle fût venue à pied, sans voiture qui suivît, elle que dès le mois de mai, on avait l'habitude de voir passer avec l'attelage le plus soigné, la livrée la mieux tenue de Paris, mollement et majestueusement assise comme une déesse, dans le tiède plein air d'une immense victoria à huit ressorts.

À pied, Mme Swann avait l'air, surtout avec sa démarche que ralentissait la chaleur, d'avoir cédé à une curiosité, de commettre une élégante infraction aux règles du protocole, comme ces souverains qui sans consulter personne, accompagnés par l'admiration un peu scandalisée d'une suite qui n'ose formuler une critique, sortent de leur loge pendant un gala et visitent le foyer en se mêlant pendant quelques instants aux autres spectateurs. [...]  Marcel Proust - À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Marcel Proust voit souvent le monde en tableaux et nous incite à retrouver dans l'art le miroir de ses descriptions. Témoin sensible de l'effervescence d'une capitale à la pointe de l'élégance, le peintre berlinois Franz Skarbina (1849-1910) visite Paris à la fin du 19e siècle et illustre des scènes de la vie urbaine sous l'influence des impressionnistes. Bien que peinte dans le parc du château de Sans-Souci, cette élégante gouache semble faire écho au texte de Proust.  

Le dernier livret des Promenades ART'Hist vous guidera sur les traces de Proust à Paris et à Illiers-Combray. Promenade dans un parc - Franz Skarbina - 1885 - NGA, Washington


Grains divins et parisiens

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À Paris, la culture de la vigne se développe à la fin de l'antiquité romaine. Au moment de la chute de l'Empire, le vignoble, déjà important, passe sous le contrôle monastique. Mais les collines avoisinantes plantées en vignes sont aussi exploitées par des seigneurs ou des bourgeois : à Montmartre bien sûr, ainsi qu'à Belleville où se trouve le clos de Savies avec ses 15 hectares de cépages. On y cultive le fromenteau et le morillon dont parle le poète Villon pour le vin de messe.

Époque "bénie" car les vins parisiens sont alors réputés. Boisson, ingrédient de cuisine, le vin est aussi l'objet de prescriptions médicales (fumigation, gargarisme, onction ...) De plus, sa consommation se fait en grandes quantités puisqu'on le préfère à l'eau de la Seine, souvent polluée. À sa façon, le calendrier guide la consommation du divin nectar : vins clairs et légers en été, vins forts en hiver, vins blancs doux jugés plus nourrissants par temps de brouillard.

Puis avec l'augmentation de la ville au 14e siècle - et donc de la demande - une viticulture populaire implante un cépage grossier au rendement important, le « gouais », cultivé sur de minuscules parcelles. Au 18e siècle, le vignoble parisien a donc perdu ses nobles cépages au profit d'une production abondante mais médiocre. Voici venu le temps du guinguet, vin aigrelet produit et consommé localement dans les guinguettes. Grappes de raisin - J. Decker - National Gallery of Art, WDC

Ce sujet et le tableau ci-dessus seront développés en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.

 

 

 

 


Un dimanche à Venise ou Combray ?

Ziem AIC
Dans "Albertine disparue", Proust n'hésite pas à mettre sur un pied d'égalité l'illustre cité italienne et le modeste bourg :
"Ma mère m’avait emmené passer quelques semaines à Venise et — comme il peut y avoir de la beauté, aussi bien que dans les choses les plus humbles, dans les plus précieuses — j’y goûtais des impressions analogues à celles que j’avais si souvent ressenties autrefois à Combray, mais transposées selon un mode entièrement différent et plus riche."
Proust rapproche le soleil matinal qu’il a vu auparavant dans le petit bourg et celui de Venise. Car pour l'écrivain amateur de cette incroyable madeleine dégustée un dimanche matin à Combray, la beauté peut se révéler dans toutes les choses, si humbles soient-elles.
 
Je vous souhaite un bon dimanche, et à défaut de vous rendre sur les bords de la lagune, le dernier livret des Promenades ART'Hist vous permettra de suivre les traces du petit Marcel à Illiers-Combray. Vers 1890 - Félix Ziem (1821-1911) - Chicago

La fin des bulles

Couture Thomas - Copie
Voici venu septembre et sa cohorte d'écoliers. Certains pressés de retrouver maître et pupitre, d'autres moins enthousiastes à l'idée de renouer avec l'étude et ses obligations.

Ils se retrouveront peut-être dans cet enfant qui rêve devant des bulles de savon, symboles traditionnels de la fugacité de la vie. Une couronne de laurier fanée sur le mur suggère la nature éphémère des louanges et des honneurs. Le mot "immortalité", inscrit sur le papier inséré dans le miroir, renforce le contenu allégorique du tableau. Le peintre Thomas Couture était un enseignant influent connu pour son opposition à un enseignement académique strict.

Quant au verbe buller, il trouve son origine dans l’armée française. Les artilleurs devaient régler les niveaux à bulle de certains engins militaires, et une fois la bulle « coincée » entre les deux repères, il ne leur restait plus qu’à patienter jusqu’au signal. C’est de là que provient l’expression « coincer la bulle », qui signifie « ne rien faire, attendre que le temps passe », d’où, par raccourci, le terme « buller »  Des bulles de savon - 1859 - Thomas Couture - Metropolitan museum, NY

La rentrée des cycles ART'Hist est programmée début octobre. Il y aura du rêve et des bulles mais ce sera sans mélancolie ! Pour obtenir le programme détaillé, il suffit d'en faire la demande par mail à [email protected] ou par téléphone au 06 60 67 53 66.


Jeux de mains selon Rodin

Meudon @annechevée
"La main est l'organe du possible" disait Paul Valéry. Une définition qui s'adapte comme un gant à l'usage que Rodin fit de cet abattis humain. 

Accumulées sur les étagères de son atelier, menues ou monumentales, poing crispé ou paume tendue, elles composent un répertoire formel d'une grande richesse expressive. Rodin puise souvent dans ce vivier, donnant une seconde vie à ses premières générations d'oeuvres comme ce petit nu posé au creux d'une main virile qui rejoue la création de l'homme par Dieu

Parmi les plus belles, deux mains jointes en prière construisent une ogive et composent ainsi la plus simple et la plus humaine des cathédrales.                                                                                                                                                                                 Mains - Auguste Rodin - Meudon                                                                                                                                                                                               Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre au musée des Beaux-arts de Chartres : "Jeux de mains avec Rodin" (complet)

 


Belleville, août 1944

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La libération de Paris s'est déroulée du 19 au 25 août 1944 devant l'appareil d'un photographe encore méconnu, Robert Doisneau. Envoyé par la Résistance voir l'état de trains allemands attaqués dans un tunnel à Belleville, le jeune photographe ne peut approcher mais réalise plusieurs clichés des habitants insurgés. «L'appareil photo me rend moins timide, moi qui l'étais beaucoup. Comme le casque du pompier, ça donne du courage» Robert Doisneau

Quelques années plus tard, la paix revenue, c'est l'objectif de Willy Ronis qui fixera la douceur de vivre de ce village populaire. Car à Belleville-Ménilmontant la vie est modeste mais plaisante. Entre les Buttes-Chaumont et le Père-Lachaise, on joue aux boules, on déjeune et on sieste dans la verdure tandis que certains vont encore chercher l'eau au puits. Images d'un Paris disparu dont Aristide Bruant fit une rengaine reprise par un autre chantre populaire, Georges Brassens. 

Les F.F.I de Ménilmontant - Robert Doisneau                                                                                                                                                                            Grande et petites histoires de Belleville-Ménilmontant à découvrir lors du cycle Tout connaître de Paris saison 2022-2023.

 


Dessine-moi La Cathédrale

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Né à Paris en 1866, Charles Jouas se forme en autodidacte au métier de peintre mais c'est dans la pratique du dessin qu'il va véritablement se révéler.

Fasciné par l’architecture gothique de Notre-Dame de Paris, Jouas entretint aussi une relation particulière avec Chartres, se liant d’amitié avec de nombreux habitants et vouant une véritable admiration à la cathédrale beauceronne.

Cette double passion pour le dessin et l'architecture gothique s'exprimera grâce à La Cathédrale, l'ouvrage de son ami Joris-Karl Huysmans dont il réalisera les illustrations. Publiée en 1909, cette édition reste aujourd’hui l’un de ses chefs-d’œuvre.

Les toits de la cathédrale, étude pour une illustration du chapitre XVI (détail)- 1906 - Charles Jouas - Pierre noire, fusain, sanguine et aquarelle

Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre. Présentation de l'exposition du musée des Beaux-arts de Chartres : "La Cathédrale de Joris-Karl Huysmans"