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A l'instar de Van Gogh, Oskar Kokoschka (1886-1980) a multiplié les autoportraits tout au long de sa carrière. Affirmant sa rupture avec l'élégance de l'Art Nouveau et Gustav Klimt, il impose une touche nerveuse et colorée qui traverse le siècle et les deux guerres mondiales.
Peintre germanique à jamais exilé, adepte des messages allégoriques, Kokoschka use de ses portraits pour aiguiser le regard de ses concitoyens. Le tableau qu'il intitule "Autoportrait en artiste dégénéré" répond aux humiliations subies par le régime national-socialiste. Ouverte à Munich en 1937, quatre ans après l'autodafé de livres, l'exposition Entartete Kunst (exposition d'art dégénéré) est une manifestation organisée par Goebbels qui dénonce l'avant-garde européenne. Neuf de ses tableaux y sont exposés près des oeuvres de Kandinsky, Chagall...
Kokoschka répond à l'affront par un nouvel autoportrait, affirmant ainsi sa fierté d'appartenir à une avant-garde honnie par le régime nazi. Œuvrant sans relâche à faire de son art, une expression engagée et pacifiste, celui que la presse viennoise qualifia "d'effroi du citoyen", de "corrupteur de jeunesse" et de "fleur de pénitencier" empruntera in extremis le chemin de l'exil et militera ardemment pour la construction culturelle européenne. La rétrospective du musée d'Art moderne de Paris rend hommage à cet artiste majeur issu de la Sécession viennoise mais dont l'œuvre reste méconnue en France. Visite guidée de l'exposition samedi 3 décembre à 12h15 billetterie en ligne (visite guidée + billet d'entrée)
Autoportrait en "artiste dégénéré" - 1937 - National Gallery of Scotland, Edimbourg
Nimbée des couleurs de l'automne, cette jeune femme semble émerger de la prose de Marcel Proust : "Je me souviens d'une au teint roux de coléus, aux yeux verts, aux deux joues rousses et dont la figure double et légère ressemblait aux graines ailées de certains arbres. Je ne sais quelle brise l'amena à Balbec et quelle autre la remporta."
Proust considère que le réel n’existe véritablement comme tel qu’une fois transfiguré par l’œuvre d’art. Alors, au diapason de l'auteur de la Recherche, prenez le temps d'admirer le beau portrait que nous livre l'artiste américain Winslow Homer(1836-1910). Paysagiste et graveur, surtout connu pour ses sujets marins, il est considéré comme l'un des plus grands peintres de l'Amérique du 19e siècle.
Peinte après un séjour parisien, cette composition met en valeur les couleurs chaudes et dorées unissant l'élégant modèle au paysage. Contemporain de Courbet et Manet, Homer s'attacha à développer un sens de la nature particulièrement lyrique. Jouant sur le contraste entre la tenue noire et les feuillages colorés, sa peinture est à la fois réaliste et poétique. Quelques années plus tard - et suite à des déconvenues amoureuses - le choix de ses sujets féminins évoluera, privilégiant les femmes qui travaillent aux belles oisives, les bonnes joues rouges aux délicates joues rousses.
Automne -1877 -Winslow Homer - NGA, Washington Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace.
Tout lecteur de la Recherche du temps perdu est frappé par le nombre exceptionnel d’images qui émaillent le texte de Marcel Proust. Nombre d'entre elles font allusion à des peintures et témoignent du rôle que l’art joue chez cet écrivain ; il révèle le monde réel, non pas en le reflétant tel qu’il est, mais en le recréant.
Ce délicat bouquet du peintre Odilon Redon exprime la même liberté créative. Jeune homme, Redon était fasciné par la biologie darwinienne et entretenait une amitié étroite avec le conservateur des jardins botaniques de Bordeaux, sa ville natale. Dans cette nature morte florale tardive, l'artiste partage l'émerveillement du naturaliste en combinant de nombreux types de fleurs.
Bien avant que bleuets et coquelicots ne deviennent des fleurs de mémoire et de solidarité, les fleurs ont illuminé la production de Redon, véritables symboles de paix et de renouveau.
Un langage des fleurs que Proust mania aussi - avec les mots - préférant les fleurs en peinture plutôt qu’au jardin ; sa santé fragile ne lui permettant plus guère de s'en approcher dans les dernières années de sa vie.
Bouquet de fleurs - 1900-1905 - Odilon Redon - Met. Mus. NY Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace.
Attentif aux rituels de son époque, Marcel Proust est particulièrement sensible aux plaisirs qui accompagnent le thé. "Je portais à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi."
Apparu en France vers 1640, le thé resta une boisson beaucoup plus chère que le café et sans lieux de sociabilité tout au long du 18e siècle. De fait, à Paris la mode était alors plutôt au café. Dans les années 1780, l'Angleterre consomme annuellement 9.000 tonnes de thé - soit un kilogramme par personne et par an - contre 95 tonnes pour la France.
A la fin du 19e siècle, la société avide de nouveautés que décrit Proust s'enthousiasme pour le rituel du thé, synonyme d'une certaine élégance. Dans la Recherche du temps perdu, le personnage d'Odette, cocotte soucieuse de bienséance, en témoigne. "Odette fit à Swann « son » thé, lui demanda : « Citron ou crème ? » et comme il répondit « crème », lui dit en riant : « Un nuage ! » Et comme il le trouvait bon : « Vous voyez que je sais ce que vous aimez. » Ce thé en effet avait paru à Swann quelque chose de précieux comme à elle-même et l'amour a tellement besoin de se trouver une justification, une garantie de durée, dans des plaisirs qui au contraire sans lui n'en seraient pas et finissent avec lui, que quand il l'avait quittée à sept heures pour rentrer chez lui s'habiller, pendant tout le trajet qu'il fit dans son coupé, ne pouvant contenir la joie que cet après-midi lui avait causée, il se répétait : « Ce serait bien agréable d'avoir ainsi une petite personne chez qui on pourrait trouver cette chose si rare, du bon thé."
Lorsque le peintre James Tissot s'installe à Londres en 1871, il s'immerge dans la scène locale et compose des peintures de genre avec la Tamise en toile de fond. Cette toile illustre la préparation du thé par une ravissante jeune femme qui évoque l'élégante Odette du roman proustien. Le thé - 1871 - J. Tissot - Metropolitan museum, NY
Œuvre commentée samedi 26 novembre à partir de 11h lors de la conférence "Aux côtés de Marcel Proust". Entrée libre. Librairie l'Esperluète, Chartres. La conférence sera suivie d'une dédicace.
"Enfant terrible" de la Vienne intellectuelle et artistique du tournant du XXe siècle, le peintre autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980) est l'un des pionniers de l'expressionnisme. Observant la montée du nazisme pendant l'entre-deux guerres, il multiplie articles et conférences pour alerter l'opinion du danger qui se profile.
Peintre reconnu, ses prises de position ne seront pas sans conséquences sur sa carrière: quatre-cent-dix-sept de ses oeuvres sont confisquées dans les collections publiques allemandes. Qualifié d'artiste dégénéré par les autorités en 1937, neuf de ses tableaux sont exhibés aux côtés d'autres oeuvres majeures de l'avant-garde européenne. Sa réponse sera cinglante et colorée ; il affirme clairement ses opinions en produisant un autoportrait en "artiste dégénéré".
Grand portraitiste, peintre de la passion amoureuse, excellent faiseur de natures mortes et de paysages, Kokoschka sut se réinventer tout au long de sa carrière et remettre en jeu sa peinture. La rétrospective du musée d'Art moderne de Paris rend hommage à cet artiste majeur issu de la Sécession viennoise mais dont l'œuvre reste méconnue en France. Visite guidée de l'exposition samedi 3 décembre à 12h15 billetterie en ligne (visite guidée + billet d'entrée)
Autoportrait les bras croisés - 1923 - Museum Kunstsammlungen Chemnitz
Désormais considérée comme une icône universelle, l'artiste mexicaine Frida Kahlo a construit son identité en usant largement du pouvoir des apparences.
Ses choix vestimentaires originaux attiraient les regards, lui permettant à la fois de se révéler tout en cachant ses handicaps. Car la nature et le destin ne l'ont pas épargné, lui léguant un corps meurtri par un accès de polio dès sa tendre enfance puis par le terrible accident dont elle sera victime à 18 ans. Affligée d'une jambe plus courte que l'autre, enfermée dans des corsets orthopédiques, Frida choisira la voie de l'originalité vestimentaire pour braver les épreuves d'une vie marquée par la douleur physique et la souffrance.
S'habiller constituant un véritable rituel pour elle, ses proches se souviennent qu'elle mettait un soin particulier à choisir ses vêtements et arranger sa coiffure. Cheveux longuement brossés puis tressés, souvent ornés des fleurs du jardin, elle accordait beaucoup d'attention à son visage et fit de l'autoportrait le genre majeur de sa production. La manière dont elle arrangeait et agrémentait sa coiffure, donnait généralement le ton de son état d'esprit du jour. Couronnée de fleurs, Frida pouvait offrir l'image d'une épouse séduisante. Mais, trompée par son époux Diego Rivera, elle s'affichera aussi en costume masculin, dépouillée de sa féminité, une paire de ciseaux à la main au milieu des mèches coupées de ses longs cheveux.
Rencontres avec l'univers de Frida Kahlo : ateliers pour enfants mardi 25 et mercredi 26 octobre - dîner-conférence au Grand Monarque à Chartres vendredi 25 novembre
Connaissez-vous l’angélologie ? Une doctrine qui donne des ailes (ou pas) puisqu’elle permet d’étudier les anges qui - parait-il - n'ont pas toujours été dotés de plumes.
Dès le Moyen-Âge, ces créatures célestes s'imposent comme médiatrices entre ciel et terre. Les anges se rendent indispensables à Dieu, aux prophètes et aux saints multipliant les services : gardiens du trône céleste et de la Vierge, l'un d'eux délivre saint Pierre de sa prison, d'autres portent à bout de bras les cierges, balancent en rythme les encensoirs.
Mais les anges ne sont pas tous égaux, ils obéissent à une hiérarchie qui précise leur spécialité et leur aspect. Ainsi, séraphins et chérubins se définissent par leurs ailes, six pour les premiers, quatre pour les seconds. Peu actifs, ce ne sont pas des messagers mais leur fonction est essentielle : ils protègent l'Arche d'Alliance. À contrario, l'angelot né de la rencontre entre le putto et l'ange adolescent, semble détaché de toute responsabilité.
Acteurs ou simples éléments décoratifs, les anges sont à la fois nombreux et discrets. Juchés sur les parois des églises ou accrochés aux cimaises des musées, ils n'ont cessé d'habiter l'univers des artistes. Ange de l'Annonciation - Cathédrale de Chartres - Tour de chœur - © Anne Chevée
Prochains rendez-vous (célestes ! ) : samedi 15 octobre et samedi 19 novembre, les anges seront au programme des visites-flash du musée des Beaux-arts de Chartres. Samedi 22 octobre, rencontre avec quelques figures angéliques lors de la présentation de la clôture restaurée du chœur de la cathédrale.
Puisque la douceur des derniers jours de septembre incite à la promenade, voici une escapade artistique autour de trois monumentales meules de foin peintes par Jean-François Millet (1814–1875), auteur de L'Angélus, chef-d'œuvre de l'École de Barbizon.
Commandé en 1868 par l'industriel Frédéric Hartmann, ce beau tableau évoquant l'automne est issu d'une série représentant les quatre saisons. En dépit de son intérêt pour cette commande, Millet y travailla par intermittence pendant les sept années suivantes. Exécutée en 1874 cette toile est caractéristique du style des dernières années de Millet. Sa touche plus lâche révèle ici la couleur du fond rose, délibérément exposée. Il travaille aussi davantage les jeux de lumière et la luminosité de ses tableaux, autant de signes annonciateurs de l'Impressionnisme.
Millet meurt en 1875 - peu après la naissance officielle du mouvement - sans achever la dernière toile de la série, L'Hiver. À l'automne - J.-F. Millet - 1874 - Metropolitan m. NY
L'automne annonce la reprise des cycles ART'Hist. Reprise des séances en salle ou en visioconférence début octobre.
[...] Ce qui augmentait cette impression que Mme Swann se promenait dans l'avenue du Bois comme dans l'allée d'un jardin à elle, c'était – pour ces gens qui ignoraient ses habitudes de « footing » – qu'elle fût venue à pied, sans voiture qui suivît, elle que dès le mois de mai, on avait l'habitude de voir passer avec l'attelage le plus soigné, la livrée la mieux tenue de Paris, mollement et majestueusement assise comme une déesse, dans le tiède plein air d'une immense victoria à huit ressorts.
À pied, Mme Swann avait l'air, surtout avec sa démarche que ralentissait la chaleur, d'avoir cédé à une curiosité, de commettre une élégante infraction aux règles du protocole, comme ces souverains qui sans consulter personne, accompagnés par l'admiration un peu scandalisée d'une suite qui n'ose formuler une critique, sortent de leur loge pendant un gala et visitent le foyer en se mêlant pendant quelques instants aux autres spectateurs. [...] Marcel Proust - À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Marcel Proust voit souvent le monde en tableaux et nous incite à retrouver dans l'art le miroir de ses descriptions. Témoin sensible de l'effervescence d'une capitale à la pointe de l'élégance, le peintre berlinois Franz Skarbina (1849-1910) visite Paris à la fin du 19e siècle et illustre des scènes de la vie urbaine sous l'influence des impressionnistes. Bien que peinte dans le parc du château de Sans-Souci, cette élégante gouache semble faire écho au texte de Proust.
Le dernier livret des Promenades ART'Hist vous guidera sur les traces de Proust à Paris et à Illiers-Combray. Promenade dans un parc - Franz Skarbina - 1885 - NGA, Washington
À Paris, la culture de la vigne se développe à la fin de l'antiquité romaine. Au moment de la chute de l'Empire, le vignoble, déjà important, passe sous le contrôle monastique. Mais les collines avoisinantes plantées en vignes sont aussi exploitées par des seigneurs ou des bourgeois : à Montmartre bien sûr, ainsi qu'à Belleville où se trouve le clos de Savies avec ses 15 hectares de cépages. On y cultive le fromenteau et le morillon dont parle le poète Villon pour le vin de messe.
Époque "bénie" car les vins parisiens sont alors réputés. Boisson, ingrédient de cuisine, le vin est aussi l'objet de prescriptions médicales (fumigation, gargarisme, onction ...) De plus, sa consommation se fait en grandes quantités puisqu'on le préfère à l'eau de la Seine, souvent polluée. À sa façon, le calendrier guide la consommation du divin nectar : vins clairs et légers en été, vins forts en hiver, vins blancs doux jugés plus nourrissants par temps de brouillard.
Puis avec l'augmentation de la ville au 14e siècle - et donc de la demande - une viticulture populaire implante un cépage grossier au rendement important, le « gouais », cultivé sur de minuscules parcelles. Au 18e siècle, le vignoble parisien a donc perdu ses nobles cépages au profit d'une production abondante mais médiocre. Voici venu le temps du guinguet, vin aigrelet produit et consommé localement dans les guinguettes. Grappes de raisin - J. Decker - National Gallery of Art, WDC
Voici venu septembre et sa cohorte d'écoliers. Certains pressés de retrouver maître et pupitre, d'autres moins enthousiastes à l'idée de renouer avec l'étude et ses obligations.
Ils se retrouveront peut-être dans cet enfant qui rêve devant des bulles de savon, symboles traditionnels de la fugacité de la vie. Une couronne de laurier fanée sur le mur suggère la nature éphémère des louanges et des honneurs. Le mot "immortalité", inscrit sur le papier inséré dans le miroir, renforce le contenu allégorique du tableau. Le peintre Thomas Couture était un enseignant influent connu pour son opposition à un enseignement académique strict.
Quant au verbe buller, il trouve son origine dans l’armée française. Les artilleurs devaient régler les niveaux à bulle de certains engins militaires, et une fois la bulle « coincée » entre les deux repères, il ne leur restait plus qu’à patienter jusqu’au signal. C’est de là que provient l’expression « coincer la bulle », qui signifie « ne rien faire, attendre que le temps passe », d’où, par raccourci, le terme « buller » Des bulles de savon - 1859 - Thomas Couture - Metropolitan museum, NY
La rentrée des cycles ART'Hist est programmée début octobre. Il y aura du rêve et des bulles mais ce sera sans mélancolie ! Pour obtenir le programme détaillé, il suffit d'en faire la demande par mail à [email protected] ou par téléphone au 06 60 67 53 66.
"La main est l'organe du possible" disait Paul Valéry. Une définition qui s'adapte comme un gant à l'usage que Rodin fit de cet abattis humain.
Accumulées sur les étagères de son atelier, menues ou monumentales, poing crispé ou paume tendue, elles composent un répertoire formel d'une grande richesse expressive. Rodin puise souvent dans ce vivier, donnant une seconde vie à ses premières générations d'oeuvres comme ce petit nu posé au creux d'une main virile qui rejoue la création de l'homme par Dieu.
Parmi les plus belles, deux mains jointes en prière construisent une ogive et composent ainsi la plus simple et la plus humaine des cathédrales. Mains - Auguste Rodin - Meudon Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre au musée des Beaux-arts de Chartres : "Jeux de mains avec Rodin" (complet)
La libération de Paris s'est déroulée du 19 au 25 août 1944 devant l'appareil d'un photographe encore méconnu, Robert Doisneau. Envoyé par la Résistance voir l'état de trains allemands attaqués dans un tunnel à Belleville, le jeune photographe ne peut approcher mais réalise plusieurs clichés des habitants insurgés. «L'appareil photo me rend moins timide, moi qui l'étais beaucoup. Comme le casque du pompier, ça donne du courage» Robert Doisneau
Quelques années plus tard, la paix revenue, c'est l'objectif de Willy Ronis qui fixera la douceur de vivre de ce village populaire. Car à Belleville-Ménilmontant la vie est modeste mais plaisante. Entre les Buttes-Chaumont et le Père-Lachaise, on joue aux boules, on déjeune et on sieste dans la verdure tandis que certains vont encore chercher l'eau au puits. Images d'un Paris disparu dont Aristide Bruant fit une rengaine reprise par un autre chantre populaire, Georges Brassens.
Les F.F.I de Ménilmontant - Robert Doisneau Grande et petites histoires de Belleville-Ménilmontant à découvrir lors du cycle Tout connaître de Paris saison 2022-2023.
Né à Paris en 1866, Charles Jouas se forme en autodidacte au métier de peintre mais c'est dans la pratique du dessin qu'il va véritablement se révéler.
Fasciné par l’architecture gothique de Notre-Dame de Paris, Jouas entretint aussi une relation particulière avec Chartres, se liant d’amitié avec de nombreux habitants et vouant une véritable admiration à la cathédrale beauceronne.
Les toits de la cathédrale, étude pour une illustration du chapitre XVI (détail)- 1906 - Charles Jouas - Pierre noire, fusain, sanguine et aquarelle
Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre. Présentation de l'exposition du musée des Beaux-arts de Chartres : "La Cathédrale de Joris-Karl Huysmans"
Couleurs et émotions imprègnent fortement les oeuvres du peintre norvégien Edvard Munch. Mais ne vous fiez pas à la première impression, ce n'est pas toujours la bonne. Vérification faite dans ce paysage nocturne évoquant La nuit étoilée de Van Gogh, tableau vu par Munch à Paris au début des années 1880-90. Bien que les courbes douces de l'ensemble incitent à la contemplation, une lecture plus attentive y décèle d'étranges formes, présences fantomatiques et éphémères qui établissent un lien particulier avec l'artiste.
Sur la surface blanche du milieu apparait une silhouette. Cette ombre relie l'œuvre de Munch à celle d'Henrik Ibsen, autre grand artiste norvégien, auteur d'une pièce racontant l'histoire d'un homme fuyant dans la neige retrouver son premier amour. On sait que Munch, traumatisé par ses anciennes liaisons, s'identifiait à ce personnage.
Un œil averti distinguera l'ombre d'un profil dans le bas ; c’est un autoportrait caché. Une signature que le norvégien emploie aussi dans sa pratique de la photographie. Médium alors très moderne qui, comme le cinéma, a largement nourri son inspiration. Jusqu'à ses dernières œuvres Munch ne cessera d'utiliser son propre personnage, mêlant fiction et autofiction avec quelques années d'avance sur un certain Hitchcock.
Edvard Munch - Nuit étoilée - 1922-1924 - Oslo, Norvège, Munchmuseet
Un sujet à découvrir lors du cycle Expos+. L'exposition Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort sera présentée à partir du 20 septembre 2022 au musée d'Orsay.
Lapidaire mais concise, cette formule d'André Breton définit parfaitement la vie et l'œuvre de celle qui est désormais l'une des plus célèbres mexicaines. Artiste féministe précoce, blessée dans sa chair, meurtrie dans ses rapports amoureux, Frida Kahlo (1907-1954) n'hésita pas à user de son expérience personnelle pour questionner le rapport de la femme à la société machiste de son époque. Et si les rubans témoignent du soin qu’elle portait à son apparence, ils ouvrent surtout la voie à une lecture vestimentaire de sa production.
Multipliant les autoportraits, Frida adopte la robe Tehuana, costume traditionnel des femmes de Tehuantepec. Car dans cette microsociété du Mexique méridional, les femmes sont respectées, indépendantes et solidaires. Une exception notable dans ce pays et une manière pour Kahlo de revendiquer au quotidien son statut de femme libre après son premier mariage avec le peintre Diego Rivera. Choix politique aussi, car dans le Mexique postrévolutionnaire des années 1920-30, endosser le costume des femmes indigènes de l’isthme de Tehuantepec n’a rien de folklorique mais relève d’une revendication identitaire d’ampleur nationale.
Un sujet à découvrir lors du cycle Expos+. L'exposition "Frida Kahlo, au-delà des apparences" sera présentée à partir du 15 septembre au Palais Galliera, à Paris.
Astre qui fascine et inspire les hommes depuis la nuit des temps, le soleil est dieu, père, principe fondateur de nombreuses civilisations. Étoile de feu nommée Hélios, Apollon ou Phébus, il règne en maître et incarne l'indispensable élan vital pour les peuples de l'antiquité. Mais lorsqu’un seul Dieu suffit à régner sur l’occident chrétien, le disque lumineux de son importance ; il n’est plus créateur, seulement création du Dieu fait homme. Réduit au rôle d'accessoire, l'astre prestigieux devient même au 17e siècle français l'apanage d'un certain Roi-Soleil.
Démontrant que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil (et non l’inverse), Copernic est à l’origine d’une véritable révolution qui ne sera pas sans lien avec l'histoire des arts. Au 19e siècle, mus par l'envie de représenter le monde tel qu’il est, les peintres font émerger la peinture de paysage qui offre alors une place de choix au soleil. Quelques saisons plus tard, le disque émerge dans la fraicheur matinale du Havre, dépouillé de toute symbolique sous le pinceau de Claude Monet. Et "ainsi qu'un poète, il descend dans les villes, il ennoblit le sort des choses les plus viles" écrit Baudelaire dans Les Fleurs du mal.
Sous le soleil de septembre, le musée Marmottan dévoilera diverses faces de l'astre dans une exposition renouvelant le point de vue proposé il y 150 ans par Monet dans son tableau mythique, Impression, soleil levant. A découvrir lors du cycle Expos+. Arthur G. Dove - Red sun - 1935 - Courtesy of The Phillips Collection, Washington, DC, 20009
Autrefois villages de la périphérie parisienne, aujourd'hui quartiers excentrés de la capitale ; les noms de Belleville, Ménilmontant, Charonne et La Villette exhalent encore un parfum de villages champêtres. Bourgs ruraux au moment de la Révolution, ils accueillaient cultivateurs, maraîchers, vignerons et petits rentiers installés dans un cadre campagnard arrosé de nombreuses sources. Chassée de la capitale par les travaux d'Haussmann ou attirée par le bon air de la campagne, la population de cette petite banlieue se développa de façon anarchique dans la première moitié du 19e siècle.
Au détour des rues, perchées sur les pentes des collines de Belleville et Ménilmontant, plusieurs enclaves de charme conservent le souvenir de ce passé verdoyant. Ainsi, la villa de l'Ermitage créée en 1857, composée de maisons d'habitation agrémentées de cours et de jardins dans un périmètre clos de murs. Afin de préserver la tranquillité de cet îlot, des servitudes particulières furent imposées aux acquéreurs des terrains ; aucune activité professionnelle susceptible de nuisances sonores ou olfactives et une hauteur des maisons limitée à trois mètres.
Bien que Georges Seurat soit surtout connu pour ses scènes de la vie urbaine parisienne, sa peinture représente aussi ouvriers ruraux et paysages de banlieue. Parfaitement intégrée au décor, la silhouette colorée de ce jardinier contribue à la sérénité de cette petite composition. Asphyxiés par le bitume et le béton, nombreux sont les urbains en mal de verdure qui renouent désormais avec la binette et l'arrosoir. Mode passagère ou écho voltairien ? Dans l'épilogue de Candide, le travail (jardinage) évite l'ennui (occupe le temps), le besoin (car il produit de la richesse) et le vice (car il n'est pas tenté de dérober les biens d'autrui).Ce sujet sera développé en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.
Le jardinier - 1882-1883 - Georges Seurat - Metropolitan Museum, NY
Gustave Caillebotte est devenu peintre en étudiant la peinture de ses amis, les impressionnistes. Comme eux, il a souvent représenté boulevards parisiens et paysages de banlieue, exprimant la modernité de son travail dans des cadrages audacieux. Mais cette singulière composition peinte en 1882 détonne au sein de son œuvre et témoigne de la place particulière qu'occupe alors l'activité de boucherie.
Car le début du 19e siècle voit la création des premiers abattoirs, lieux clos et surveillés, à Paris. Jusque-là, la mise à mort des animaux s’effectuait principalement dans des tueries particulières appartenant aux bouchers. En quête de respectabilité, la profession va alors distinguer le "boucher abattant" du "boucher détaillant". 1867: trois grandes halles abritant le marché aux bestiaux ainsi que des abattoirs sont inaugurés près du canal de l'Ourcq. Désormais, l'histoire de l'ancien village de La Villette va se confondre avec celle de ce monde clos surnommé "la cité du sang" qui fascine et inquiète par ses rites. Expression de cette stigmatisation, Boris Vian chante "Faut qu'ça saigne" en 1955, associant "tueurs des abattoirs" et "Va-t-en guerre" de tout poil dans un drôle de tango, celui des bouchers de la Villette. Ce sujet sera développé en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.
Tête de veau et langue de bœuf - 1882 - Gustave Caillebotte - Art Institute Chicago
Connaissez-vous les apaches parisiens ? Voyous installés sur les hauteurs de Belleville et non sur les montagnes Rocheuses, leur surnom s'impose au début du 20e siècle dans le langage populaire.
Escroc, tire-gousset, maquereau, monte-en l'air, rôdeur de barrière, la liste de leurs talents est alors largement diffusée par la presse de l'époque. Et en 1902, l'affaire Casque d'Or - un drame de la jalousie qui dégénèrera en guerre de bandes rivales - contribuera à les populariser. Car si le crime ne paie pas, il fait vendre.
Et danser ! Pratiquée dans les cabarets de Paris à la Belle Époque puis dans les dance-halls de New York, la danse apache mimait les gestes violents de ces drôles de couples : avec une frénésie croissante, le cavalier faisait tourner sa partenaire en rond, la tirait par les cheveux puis la projetait brutalement contre le sol. Ce sujet sera développé en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.
Étroitement lié à l'individu, le costume constitue un marqueur essentiel de la condition humaine et peut offrir une approche originale au visiteur hermétique à l'iconographie religieuse. Pour cela, il suffit de lever les yeux vers la dentelle sculptée couronnant la clôture du chœur et les petites figures qui l'habitent.
Mains glissées dans sa ceinture, ce personnage un peu rond porte une tenue révélatrice des évolutions vestimentaires de la fin du Moyen-Âge. Sobre par sa longueur, son costume adopte néanmoins quelques nouveautés ; un habit de dessus très ajusté et boutonné qui succède à l'ample surcot médiéval ainsi qu'une coiffe au bord découpé. Mais les éléments les plus emblématiques sont ses manches ; closes, c'est-à-dire rétrécies au poignet, elles ont été soigneusement plissées et segmentées en plusieurs parties dont la dernière, amovible, pend à l'extrémité du bras. Cet usage permettait de modifier son allure à moindre coût.
Avec un peu d'imagination, on peut penser que ce bourgeois à l'allure débonnaire attend peut-être l'âme sœur pour échanger leurs manches, pratique considérée alors comme gage de fidélité amoureuse.
Présentation détaillée de la clôture restaurée, jeudi 23 juin, en salle ART'Hist et dans la cathédrale. Conférence en salle ART'Hist de 10h à midi. Pause gourmande dans la matinée et remise d'un résumé. (Déjeuner libre de midi à 14h). La présentation se poursuivra dans la cathédrale de 14h à 15h.
Gourmet bien que peu vorace, Proust affectionne les restaurants. Le choix de prendre ses repas à l’extérieur lui offre plusieurs avantages : il évite ainsi les odeurs incommodantes dans son appartement et sa table constitue un poste d’observation idéal qui lui permet de s’installer pour de longues soirées. En août 1901, il écrit à sa mère à ce propos : « c’est mon Evian, mon déplacement, ma villégiature à moi qui n’en ai pas. »
Au début du 20e siècle, alors que le restaurant Maxim’s devient un lieu de plaisirs dont la notoriété dépasse les frontières, Marcel Proust y retrouve son ami le compositeur Reynaldo Hahn et s'inscrit ainsi dans la longue liste des célébrités qui firent la réputation du lieu. En 1905, le Guide des Plaisirs de Paris indique : « Très couru à l’heure de l’apéritif, mais surtout après les théâtres ; la haute noce y soupe volontiers ».
On y croise une clientèle originale comme les célèbres cocottes Liane de Pougy et la belle Otéro ou encore Maurice Bertrand, un habitué connu pour ses frasques et surnommé le « champagnographe ». Le caricaturiste Sem qui observa la société mondaine de 1900 à 1914, le montre debout sur la table, dansant avec d'autres convives éméchés au rythme de l’un de ces orchestres tziganes alors très appréciés à Paris.
Une anecdote à retrouver lors la visite guidée "Proust et Paris" programmée jeudi 16 juin ou dans le dernier livret des Promenades parisiennes ART'Hist.
Fin de soirée chez Maxim’s - Georges Goursat dit Sem - Paris Musées Collections.
Clap de fin sur un week-end ensoleillé passé à l'ombre des jeunes filles en fleurs, et une jolie rencontre : cette belle inconnue regardant s'éloigner un bateau que l'on devine à son panache de fumée.
La poétesse Anna de Noailles et Marcel Proust partagèrent un même intérêt pour les raffinements de l'écriture et du paraître. Madeleine Lemaire, autre amie de l'écrivain, salonnière célèbre et artiste peintre, réalisa ce beau portrait de la femme de lettres en 1914. Témoignage précieux de l'évolution de la mode féminine, il reflète la situation sociale de son modèle ; accentuant ici une caractéristique particulièrement prisée de l'époque, l'élégance.
Vers 1910, la silhouette féminine s'allège ; la taille se marque de moins en moins avec l'abandon du corset. La jupe tombe droite et s'écarte du sol, révélant chevilles et souliers. Mais cette mode dite "entravée" se révèle incommode pour la démarche et provoque le raccourcissement progressif de la jupe. La chaussure de jour est généralement fermée et montante en hiver, en revanche le soulier du soir est décolleté. Les coiffes de l'époque connaissent la vogue des plumes d'autruches dites amazones ou encore pleureuses lorsque chaque brin est allongé par un second brin minutieusement collé.
Les femmes règnent alors sur la vie mondaine qui succède à la vie de cour. Et dans les salons comme à l'Opéra, il s'agit moins de voir que d'être vue. Bien que contemporain de la photographie, le portrait peint conquiert encore les cercles les plus brillants ; accessoire indispensable au décor de ce monde souvent oisif, consumé dans un art permanent de la représentation. Portrait présumé d'Anna de Noailles - 1914 - Madeleine Lemaire - actuellement exposé à La Villa du Temps retrouvé à Cabourg.
Retrouvez Madeleine Lemaire et Marcel Proust lors de la visite guidée du jeudi 16 juin à Paris : billetterie en ligne
Voisine de l'Hôtel de ville de Paris, l'église St-Gervais-St-Protais abrite un christ sculpté qui ne fut installé qu'avec réticence au 19e siècle. Œuvre poignante d'Auguste Préault(1809-1879), cette crucifixion frappe par la souffrance très réaliste qu'exprime le supplicié.
Artiste longtemps rejeté par les tenants de l'art officiel, à la carrière émaillée de scandales, Préault fut un fervent soutien de Victor Hugo lors de la fameuse bataille d'Hernani. Jugé étrange, son christ sera refusé par plusieurs paroisses avant d'aboutir en ces lieux. Exaspéré par les précédents refus, Préault aurait alors menacé le curé qui se mourait, lui promettant de se faire "mahométan" s'il n'acceptait pas son œuvre.
Une œuvre à découvrir jeudi 2 juin, au cours des visites guidées consacrées à Victor Hugo (visite du musée Victor Hugo, place des Vosges et visite de quartier). Informations et réservations
Le diable se cache parfois dans les détails Personnifiant l'idéal chevaleresque, saint Georges est souvent représenté à cheval, luttant contre un dragon qui s'apprête à dévorer une princesse. Cette figure raffinée peinte au début du 16e siècle appartenait à un diptyque, nom donné aux tableaux d'autel composés de deux panneaux. L'œuvre complète figurait le combat acharné mené par le saint contre le monstre mais le démembrement du retable est à l'origine d'une erreur d'authentification. Séparée du dragon, la figure androgyne de saint Georges a induit les historiens du 19e siècle en erreur : ils ont cru reconnaître Jeanne d'Arc chargeant contre l'ennemi anglais. Un indice confirme néanmoins l'iconographie de saint Georges luttant contre le dragon ; la présence d'une tige de basilic - symbole démoniaque - sous les pattes du cheval. Saint Georges - début du 16e siècle - anonyme - école rhénane - Musée des Beaux-arts d'Orléans.
Pour en savoir plus sur la symbolique des plantes, rendez-vous vendredi 3 juin sur les bords de Loire. Informations et billetterie en ligne.
Le mariage d'un prince et d'une cocotte Le 8 juin 1910, on se presse sur le parvis de St-Philippe-du-Roule, église des beaux quartiers de la capitale. Dans la foule des curieux, un certain nombre de jeunes filles frivoles sont venues admirer celle qu'elles considèrent comme un modèle à suivre, véritable Cendrillon de la Belle Époque.
Et pour cause ! L'union que l'on célèbre en ces lieux a de quoi les faire rêver. Georges Ghika - fils de diplomate et neveu de la reine Nathalie de Serbie - épouse Liane de Pougy, courtisane renommée pour sa beauté et sa très grande liberté de mœurs. Élégamment vêtue d’un fourreau de mousseline mauve et arborant une capeline d’aigrettes noires, cette reine du demi-monde devient ainsi une authentique princesse. Un chemin de vie qui évoque celui d’Odette, l’obsession amoureuse de Swann : deux personnages-clés du roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.
Mais si cet évènement aux allures de féérie provoqua l'enthousiasme des midinettes parisiennes et inspira Proust, il ne fit pas le bonheur du clan du marié ; aucun des membres de la famille n’assista à la cérémonie.
Liane de Pougy, attablée au Pré-Catelan (détail) - 1909 - Henri Gervex - Musée Carnavalet, Paris
Cet évènement sera évoqué lors du circuit "Proust et Paris" programmé jeudi 16 juin à Paris. informations et billetterie en ligne
Connaissez-vous l'expression "Attendez-moi sous l'orme"? Aujourd'hui disparue, cette formule appartenait au langage des Parisiens du Moyen-Âge et faisait référence à un arbre dressé devant la façade de St-Gervais-St-Protais, église située derrière l'hôtel de ville de Paris. La placette sur laquelle se trouvait l'Orme-St-Gervais, remplissait alors de multiples fonctions. Les paroissiens s'y rassemblaient à la sortie de la messe, la justice pouvait y être rendue, on s'y retrouvait pour régler une créance ou y organiser un duel. Abattu sous la Révolution, l'orme médiéval a été remplacé par d'autres ormes qui se sont succédés jusqu'à nos jours en ce même lieu.
Cité par Victor Hugo dans les Misérables, le souvenir de l'arbre est encore bien présent dans le quartier. Sa silhouette figure sur les balcons du 2ème étage d'un bâtiment voisin, au 4-14 rue François Miron. Certaines stalles de bois installées dans le chœur de l’église sont ornées des représentations de l’orme. Et dans une rue proche, un taillandier (fabricant d'outils tranchants) avait choisi l’orme comme enseigne commerciale. Il y a belle lurette que l’atelier a disparu mais on peut encore admirer cette enseigne au musée Carnavalet.
Arbres robustes, les ormes étaient fréquents sur les places urbaines et villageoises. En ces mêmes lieux, une forme de justice était rendue par des sommités locales ou des juges de village parfois peu compétents et donc méprisés par la population. A partir du 17e siècle, l'expression "Attendez-moi sous l'orme" sera employée ironiquement pour proposer un rendez-vous auquel on n'avait aucunement l'intention de se rendre.
Le quartier de l'Orme-St-Gervais sera l'une des étapes du circuit consacré à Victor Hugo jeudi 2 juin 2022. billetterie en ligne
Fête populaire autour d'un arbre - Ecole française - Vers 1560 - Musée Carnavalet, Paris
Et si nous partions de bon matin ...à bicyclette ... Moyen de transport populaire, un temps délaissé mais qui connait aujourd'hui une véritable renaissance, l'histoire du vélo croise celle de l'émancipation féminine à la Belle Époque. « Je pensais qu’il n’y avait rien de pire pour une femme que de fumer, mais j’ai changé d’avis en voyant une femme à bicyclette », écrit une correspondante du Chicago Tribune en juillet 1891.
Car en cette fin de siècle, les pionnières du vélo commencent à s’attirer les foudres de leurs contemporains. Déterminées à pédaler avec aisance, elles se glissent dans des pantalons bouffants bien plus adaptés que les jupons mais jugés souvent très osés. Marcel Proust, fin observateur de son temps, s'empare du sujet qu'il exploite dans son roman A l'ombre des jeunes filles en fleurs. Albertine, audacieuse et désinvolte cycliste rencontrée à Balbec, y est décrite dans une tenue de « caoutchouc », un matériau et une couleur chargés d’érotisme qui mettent en valeur les formes sculpturales et la beauté plastique de son corps.
Une description qui s'amuse du regard sévère que portait la société sur l'usage des vélocipèdes par la gente féminine. Le vélo, disait-on, fatiguait les femmes et pouvait aller jusqu’à provoquer des orgasmes à répétition, nocifs pour l’équilibre nerveux...
Le Chalet du Cycle au bois de Boulogne - Jean Béraud - vers 1900 - Musée Carnavalet, Paris.
Les repas de fin d’année offrent souvent l'occasion de paraître dans de beaux habits. Ou du moins, de tenter des tenues un brin audacieuses et remporter, ou non, l’adhésion des autres convives. C’est affaire de goût …
Le goût, un sujet qui s’invitera peut-être à la table du réveillon car certains en manqueront. Mais il n’est pas question de goût vestimentaire ; je voulais évoquer le goût alimentaire et les saveurs dont notre cerveau se délecte à l’avance.
Une promesse d’agapes que nous ne serons donc pas tous en mesure d’apprécier car en guise de cadeau de Noël, le virus a parfois mis en sommeil nos fonctions gustatives. Mais ne désespérons pas, l’art viendra éveiller d’autres plaisirs. C’est pourquoi, je partage avec vous cette jubilatoire nature morte de venaisons prêtes à rôtir, toutes habillées de gras et plutôt bien ficelées.
Disposées en pyramide, les perdrix exhibent un ventre piqué de bâtonnets de lard. Une tenue pittoresque destinée à les protéger de la chaleur durant le rôtissage tout en les nourrissant de graisse. La minutie avec laquelle le peintre Desportes représente cette technique culinaire témoigne de la réputation acquise par la cuisine française au 18e siècle. Peint pour Philippe d’Orléans, régent du royaume de France de 1715 à 1723, ce tableau ornait une pièce du Palais-Royal à Paris. L’homme était fin gourmet et ses soupers fort réputés. Le duc de St-Simon qui y participa, évoquera dans ses Mémoires « la chère exquise » qui y était servie.
Ainsi, l’art de peindre comme l’art de décrire seront peut-être les grains de sel qui donneront finalement du goût à nos festivités.
Très savoureusement Anne
Nature morte au gibier, à la viande et aux fruits - 1734 - Alexandre-François Desportes – National Gallery, Washington
C'est en 1908, assez tardivement dans sa carrière, que Monet découvre Venise. Plus jeune, il avait pourtant dit qu'il ne ferait jamais ce voyage et lorsqu'il débarque sur les quais de la Sérénissime, son jugement est sans appel : "Trop belle pour être peinte !"
Les premiers temps de son séjour ne sont guère fructueux : l'artiste mettra près d'une semaine avant de commencer à peindre. Pourtant la Sérénissime l'inspire et il produira trente-sept toiles qui seront achevées dans son atelier de Giverny. Comme pour ses vues de la cathédrale de Rouen, il peint des sujets identiques et renoue même avec ses anciennes habitudes en peignant directement sur l'eau, installé sur une gondole.
Poèmes d'eau et de lumière, ses toiles donnent à voir une ville au caractère un peu surnaturel, sans aucune activité humaine.
Palazzo da Mula - Claude Monet - 1908 - National Gallery, Washington
Venise, Monet et Proust : trois sujets du cycle Tout connaître de Paris et de Combray, 2021-2022. Les inscriptions sont ouvertes.
A partir de 1879, Renoir séjourne à plusieurs reprises au château de Wargemont près de Dieppe. Il y est accueilli par Paul Berard, riche client devenu son ami, qui préférait la vie de bohême à la compagnie des gens de son milieu. C'est là qu'il exécute un certain nombre d'études de la côte et de la campagne environnante.
Généralement plus attaché à la figure humaine qu'au paysage, le peintre ne s'intéresse pas précisément à la topographie. En revanche, il se montre intransigeant sur un point : la peinture doit lui apporter du plaisir et procurer de la joie à ceux qui la regardent. "Moi, j'aime les tableaux qui me donnent envie de me balader dedans [...]"
Au 18e siècle la Sérénissime est immortalisée par la veduta, cet art du paysage qui s'épanouit à Venise pour répondre à la demande d'une clientèle étrangère. De dimensions parfois assez modestes, ces "cartes postales" peintes, peu chères à l'achat étaient destinées à satisfaire un public avide de tourisme culturel, principalement de jeunes lords anglais dans les premiers temps.
Parmi ces vues iconiques, la place Saint-Marc fut le sujet le plus demandé par ces collectionneurs. Grâce aux multiples vues réalisées on suit pas à pas les transformations de son pavement qui aboutirent à la mise en place d'un décor à carrés géométriques blancs, encore visible in situ.
Antonio Bellotto (d'après) - La place Saint-Marc (détail) - Musée des Beaux-Arts de Chartres
"Libertinage, scandale, spectacle indécent et contraire aux bonnes mœurs...." Ces mots extraits d'une ordonnance de police du 14 août 1777 témoignent des embarras causés par les baigneurs parisiens à la fin de l'Ancien Régime.
Prendre un bain dans la Seine était alors l'une des seules façons de se laver et les jeunes gens affectionnaient particulièrement ces baignades sauvages, moments de plaisir et de liberté. Un choix contraire aux règles de la morale - plusieurs d'entre eux se baignent nus - et peu recommandé pour des raisons sanitaires car c'est aussi dans les eaux du fleuve que sont rejetés les déchets des teinturiers, des tripiers, des égouts et de l'Hôtel-Dieu.
Baignade près du Pont-Neuf vers 1860 - Théophile Meunier - Musée Carnavalet. Dès le 18è siècle, des bateaux de bains sont aménagés sur le fleuve. Implantés sous la statue d'Henri IV, les bains Vigier accueillent ceux qui peuvent s'offrir le luxe d'un bain chaud, en toute intimité : «C'est là que le paisible bourgeois s'enfonce douillettement dans les profondeurs de sa baignoire... il a su s'entourer de toutes les sensualités qui lui sont chères: sa montre, son thermomètre, le mouchoir, la tabatière, les bésicles bien affermies sur le nez et, sous ses yeux, son livre bien aimé, voilà ses délices. Il fait et refait son bain, le gradue avec art...» (Briffot, Paris dans l'eau, 1844).
Du pont de l'Alma à l'île St-Louis, parcourez les quais de Seine et découvrez leur histoire avec le livret-promenade Les rives de la Seine
Si vous souhaitez participer à la promenade du mardi 15 juin 2021 c'est ici
On connaît la phrase célèbre attribuée à Henri IV au matin du 14 mars 1590 : " Ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez au chemin de la victoire et de l'honneur !" Le blanc, couleur royale, est alors considéré comme une marque de commandement.
Entre 1789 et 1792, le blanc va devenir la couleur de la Contre-Révolution, opposée au drapeau tricolore symbole de la souveraineté populaire. Ce drapeau blanc fait son retour en France en 1815 avec la restauration de la dynastie des Bourbons à la chute de l'Empire.
Pourtant, bien que reconnaissant la légitimité de Louis XVIII, de nombreux Français souhaitaient le maintien du drapeau tricolore, à côté du drapeau blanc. En 1873, l'intransigeant comte de Chambord, petit-fils de Charles X, fit échouer une tentative de restauration de la monarchie en refusant d'accepter le drapeau bleu-blanc-rouge. La République fut confirmée et le prétendant légitimiste au trône de France demeura en exil.
Siège d'une ville (Rouen ?) par Henri IV - Gilles van Coninxloo (1544-1606) - Musée des Beaux-Arts - Chartres . Œuvre présentée lors de la visite-flash du samedi 12 juin 2021 : "Aux armes, etc...." . Informations et inscription
Ecrivain et homme politique, Victor Hugo sait jouer avec les mots tout en observant la société qui est la sienne.
Dans l’hémicycle de la Chambre, il siège non loin du baron Thénard, lequel lui inspirera le nom « Thénardier », patronyme d'une famille « misérable » que Victor Hugo met en scène dans son roman Les Misérables. Un nom devenu adjectif et une gloire posthume dont se serait probablement bien passé le dit-baron mort avant la parution du roman.
Les raisons de cette animosité ? Chimiste, inventeur de l'eau oxygénée, Thénard a contribué au mieux-être de l'humanité mais il est en désaccord avec Hugo sur le nombre d'heures de travail des enfants. Hugo souhaite le réduire. Thénard s'y oppose. Hugo se vengera …avec sa plume.
Thénardier dessiné par Victor Hugo - Entre 1861 et 1862 - Maison Victor Hugo, Hauteville House
Les lieux de l'action politique menée par Victor Hugo sont évoqués lors du circuit des Promenades parisiennes. Pour préparer votre promenade le livret est en vente ici
Victor Hugo a une affection particulière pour le jardin du Luxembourg qu’il connait bien puisqu’il résida à plusieurs reprises dans les quartiers environnants. L’écriture des Misérables met en scène plusieurs espaces verdoyants préservés des turbulences du monde. Ces lieux enchanteurs font écho au paradis de son enfance, les Feuillantines.
Très fréquentées par les familles, les allées du Luxembourg apparaissent fréquemment dans les peintures relatant la vie des petits parisiens au 19e siècle. Éva Gonzales - Nourrice et enfant - 1876/1877 - National Gallery, Washington Fille d’un romancier populaire et d’une musicienne, Éva Gonzalès (1849-1883) grandit à Paris. Elle montre très tôt son attrait pour la peinture et met en scène des sujets presque exclusivement féminins et modernes, évoquant la vie quotidienne des femmes de la bourgeoisie de son époque. Ses jeux de lumière et la liberté de touche qu'elle adopte, la rapproche des Impressionnistes. Malgré ces similitudes, elle refusera d’exposer avec eux, préférant le Salon Parisien qui lui permettait de rendre plus officielle son activité de peintre.
Le jardin du Luxembourg, étape du circuit des Promenades parisiennes. En vente ici
Construit pour être une église au 18e siècle, la Révolution débaptise l'édifice une première fois. Redevenu église au retour des Bourbons, la IIIe République confirmera son rôle de cimetière des grands hommes en accueillant Victor Hugo le 1er juin 1885.
Sous la Révolution, en partie grâce à son immense crypte, l’église est transformée en une nécropole dédiée aux grandes figures de la nation.
En 1791, c’est Mirabeau qui sera le premier à entrer et… à sortir du Panthéon trois ans plus tard. Élu député du Tiers État en 1789, très apprécié des Français, Mirabeau reste cependant partisan d’une monarchie à l’anglaise. Il n’hésite pas à conseiller en secret Louis XVI qui le rémunère grassement. Un double jeu éventé après sa panthéonisation avec la découverte de la correspondance de Louis XVI dans une armoire de fer.
A l’annonce de la mort de Victor Hugo le 22 mai 1885, la classe politique souhaitera rendre un hommage particulier à celui qui avait combattu pour la défense de toutes les libertés et qui incarnait les valeurs républicaines. Le 26 mai 1885, un décret lui accorde donc
des obsèques nationales. Suite à cette décision, le monument qui avait été réaffecté à l’Eglise est définitivement transformé en Panthéon républicain.
Les funérailles de Victor Hugo, 31 mai et 1er juin 1885 - Paul Sinibaldi - 1885 - Maison de Victor Hugo - Hauteville House
Le Panthéon, une étape du circuit des Promenades parisiennes. En vente ici
Orpheline de père et de mère à un an, Juliette Drouet - née Julienne Gauvain à Fougères en 1806 - fut confiée par un oncle à un couvent parisien proche du Panthéon, où des parentes à lui étaient religieuses. Peu encline à embrasser une vie monastique, elle obtiendra le droit de quitter les murs de cette institution en 1821 à l'âge de quinze ans.
Désormais libre, sa beauté lui ouvrira d'autres portes ... avant qu'elle ne choisisse elle-même de les refermer, en toute conscience, afin de se consacrer à Victor Hugo.
Maîtresse du poète pendant un demi-siècle, Juliette Drouet vécut dans une réclusion presque totale, soumise à son amant.
Mademoiselle Juliette - En 1832 - Alphonse Léon Noel - Dessinateur-lithographe - Kaeppelin et Cie , Imprimeur-lithographe - Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey
Le circuit du dernier livret des Promenades parisiennes passe à proximité du couvent où la jeune fille était pensionnaire, non loin du jardin des Feuillantines, cadre de l'enfance de Victor Hugo.
" Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.Je ne suis pas en train de parler d’autres choses ;
Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux,
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise,
La redit pour son compte, et croit qu’il l’improvise ;
Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cœur ;
L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine,
Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant.[...] "
Victor Hugo Les Contemplations (II), 1856 - Ambrosius Bosschaert - Bouquet de fleurs - 1621 - National Gallery of Art, Washington
Lorsque Victor Hugo l'exilé publie ce poème en 1856, le 1er mai n'est pas encore associé à la fête du travail. C'est aux Etats-Unis - en 1886 - que cette journée particulière puise ses origines lors une grève généralisée de salariés américains.
C’est dans l’ancien couvent des Feuillantines où Sophie Hugo s’est installée avec ses fils que Victor rencontre la petite Adèle. Née le 28 septembre 1803, elle connut donc celui qui allait devenir son mari en 1809. Âgé de sept ans, Victor Hugo partage avec Adèle et son frère les bonheurs simples du jardin : il la promène dans une vieille brouette, joue avec elle à la balançoire.
Des années plus tard, ce qui n'était qu'une amitié enfantine se transformera en amour. Victor et Adèle s'écrivent alors de nombreuses lettres mais un incident fâcheux va interrompre ces échanges secrets.
Quelques lettres échappées du corsage d’Adèle tombent devant sa mère. Les parents Foucher, stupéfaits par cette découverte, en font part à la mère de Victor qui, très irritée, répondra qu’un fils de général ne peut épouser la fille d’un simple chef de bureau. Cette réponse blessante fâchera les deux familles amies.
Pierre-Auguste Cot - Printemps - 1876 - Metropolitan Museum of Art, NYC, US. Exposé au Salon de 1873, ce tableau fut le plus grand succès du peintre académique Pierre Auguste Cot. Très admirée, l'œuvre fit l'objet de nombreuses copies sur des supports variés ; gravures, éventails, porcelaines et tapisseries. La rue des Feuillantines constitue l'une des étapes du livret-promenade "Paris. Sous l'œil et la plume de Victor Hugo". Il est possible d'acheter et de recevoir ce livret par voie postale en cliquant ici