SACRÉ CHASSEUR

Détail 1
Les chasses des héros antiques ne sont pas de simples sorties sportives. Médiateurs entre les hommes et les divinités, ces êtres d’exception dotés d’une stature et d’une force extraordinaires sont considérés comme les protecteurs de la communauté car – comme Héraclès – ils peuvent éradiquer les monstres qui dévastent la terre.

Confronté à un sanglier exceptionnel, Hercule/Héraclès use de ses talents de chasseur pour capturer cet animal d’une force peu commune qui terrifiait les habitants du mont Érymanthe en Arcadie.  

Ce relief en marbre, probablement destiné au décor d’un temple, met en scène le chasseur victorieux et symbolise ainsi la supériorité de la civilisation sur le monde primitif des bêtes sauvages.

Relief en marbre avec Héraclès portant le sanglier d'Erymanthe - 27 avant JC - 68 après JC – Metropolitan Museum of Art, NY

 


VALEURS SÛRES

Oudry Met 11
Bien que reçu à l’Académie comme peintre d’histoire - classification alors jugée supérieure aux autres - Jean-Baptiste Oudry  (1686–1755) préféra se spécialiser dans les natures mortes et les compositions animalières, plus lucratives.

Une orientation peut-être guidée par des considérations économiques au début de sa carrière. On rapporte en effet qu’au lendemain de ses noces avec une de ses élèves, le peintre, ruiné par les dépenses des festivités, aurait été sauvé de la misère par une dame qui lui fit peindre des serins qu’elle adorait.

Très vite, Oudry écartera les animaux utiles et domestiques - vaches, poules, cochons, moutons et autres vulgaires habitants de la basse-cour – pour se limiter aux animaux que l’on chasse, ainsi qu’aux chiens qui servent à les chasser. Un choix calculé qui lui ouvrira les portes d’une clientèle aisée.

Chien gardant du gibier mort – Jean-Baptiste Oudry  - 1753 – Metropolitan Museum of Art, NY, US


FAUCON SAMOURAÏ

Utagawa Hiroshige Faucon 1835 AIChicago
L’estampe japonaise qui connut son apogée au XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècle évoque le monde du temps qui passe, le monde contemporain, celui des plaisirs de la société d’Edo. Le peintre Hiroshige réalisa de superbes estampes d'oiseaux comme ce faucon fier et altier qui symbolise le samouraï, dont il partage les qualités de force et de courage.

Faucon sur un pin avec le soleil levant - 1835 - Utagawa Hiroshige - Gravure sur bois en couleur – Art Institute of Chicago, US


LE CHIEN DE L'ARTISTE

Toulouse Lautrec NGA W

Né dans une famille d’aristocrates adepte de la chasse, le milieu d'Henri de Toulouse-Lautrec a influencé ses premières peintures.

En 1881, il fréquente l’atelier de René Princeteau, peintre du cheval et de ce qu’il est convenu d’appeler la sporting life. Mais le jeune homme qui souffre d’une dégénérescence osseuse n’est plus en état de participer à cette vie active. Deux chutes consécutives ont provoqué des fractures. Âgé de quinze ans, Lautrec ne grandira plus. Il mesure un mètre cinquante-deux

À la suite de ces accidents, Henri se consacrera avec beaucoup d’application au dessin et à la peinture. Chevaux et chiens saisis dans la lumière deviennent ses premiers modèles.                                                                                     

Flèche, le chien de l’artiste – 1881 – Henri de Toulouse-Lautrec - National Gallery of Art, Washington

 


BLANCS COMME NEIGE

Franz Marc
Après des études théologiques et philosophiques, Franz Marc choisit la voie de la peinture en 1900 et explore le mystère de la nature et du spirituel dans l'art.

En quête de pureté originelle, il emploie le thème animalier pour évoquer le paradis perdu par l'homme et peint généralement les animaux avec tendresse sans chercher à les représenter de manière naturaliste.

Bien souvent, chiens, chevreuils ou chevaux gambadent dans des paysages sans aucune présence humaine. Visions d’un monde rêvé où l’animal et la nature font corps et dont l’art témoigne avec la plus grande liberté ; ce sont des touches épaisses de bleus et de jaunes qui forment le blanc des chiens et du manteau neigeux.

Chiens de Sibérie dans la neige -1909/1910- National Gallery of Art - Washington


UNE PÂTE ET DES AILES

Pieter Claez - National Gallery - Washington
Honneur au pâté en croûte, met de choix et maître des tables aristocratiques dès le Moyen-Âge. Grand classique du répertoire culinaire, cette composition culinaire complexe se reconnaît à son imposante pâte dorée, gardienne d'un temple protégeant des préparations très diverses.
Souvent associé au gibier, le pâté s'accompagne parfois d'une véritable mise en scène et devient la vedette des tables les plus raffinées. Plumes de faisan ou de paon reconstituent des volatiles tout autant appréciés pour leurs qualités esthétiques que pour la finesse de leur chair.
Arborant un magnifique panache de plumes, le beau pâté du peintre hollandais Pieter Claesz rivalise  d'élégance avec les autres plats sur cette appétissante nature morte du 17ème siècle.

Pieter Claesz - Nature morte - 1627 - Courtesy of National Gallery - Washington


COMBATS DÉCORATIFS

Rubens Chasse au loup Metropolitan M of Art
Furieuses mêlées de chiens, de chasseurs et d’animaux, les chasses peintes par Rubens au 17e siècle étaient particulièrement appréciées par une clientèle princière. Mises en scènes spectaculaires de combats imaginés par l’artiste, peintes sur de grands formats, elles convenaient parfaitement à un décor palatial tout en soulignant le prestige de leur propriétaire.

Artiste extrêmement inventif, Peter Paul Rubens (1577 - 1640) confronte aussi des animaux exotiques à des cavaliers orientaux et occidentaux comme sur la très belle toile exposée au musée des Beaux-arts de Rennes.

Chasse au loup et au renard - P.P.Rubens - vers 1616 - Courtesy of Metropolitan Museum of Art, NY


LE PRESTIGE DES ARMES

épée de chasse Met M NY - Copie

Au 17e siècle, malgré l’invention du fusil à silex, l’usage des armes à feu n’est pas encore très répandu pour tuer le gibier. On lui préfère les armes blanches ; l’épieu ou l’épée. Au siècle suivant, comme pour les fusils, la mise en valeur de l’épée signale l’identité du chasseur.

Généralement utilisée par le veneur pour servir les sangliers, seule la pointe était aiguisée tandis que le corps de la lame restait émoussé afin d’éviter les risques de blessure chez les chiens et les chevaux.

Ce modèle très soigné a peut-être appartenu aux collections du prince-électeur de Bavière à Munich dans les années 1740. Sa poignée d’ivoire ornée d’un lion tenant un croissant de lune fait probablement allusion aux récentes victoires européennes sur les Turcs ottomans en Europe de l'Est.

Épée de chasse avec fourreau - Poignée attribuée à Joseph Deutschmann -  1740 - Courtesy of Metropolitan Museum of Art, NY


SENS CACHÉ

Largillierre_nicolas_de_perdrix_rouge_dans_une_niche

Reflet d’une réalité familière, la nature morte connait un véritable âge d’or au 17e siècle. Sa disposition dans une niche plaisait beaucoup car elle offrait la possibilité de représenter un monde en miniature. Dans ce cadre de pierre, le peintre Nicolas de Largillierre (1656-1746) suspend une pièce de gibier évoquant le corps du Christ supplicié tandis que quelques fruits font allusion à des valeurs chrétiennes. Les raisins suggèrent le vin et donc la communion, la grenade ouverte doit être interprétée comme un symbole de résurrection.

A la fois ornementales et propices à la méditation, les natures mortes ont connu une grande faveur auprès d’une clientèle aisée qui combinait ainsi plaisirs esthétiques et moralité.

Perdrix rouge dans une niche - entre 1680 et 1685 - Nicolas de Largillierre – CC0 Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais


PETIT GIBIER TROMPEUR

Cranach La nymphe de la source Metropolitan Museum of NY US
Associées à l’image d’une femme nue, les perdrix peintes sur ce tableau du 16e siècle donnent un sens érotique au sujet. La jeune fille allongée est identifiée comme l’une des compagnes de Diane au vu de l’arc et du carquois accrochés aux branches de l’arbre voisin. Mais la nonchalance qu’elle affiche est trompeuse.

Car si les perdrix installées à ses pieds symbolisent l’égarement sexuel et invitent à la luxure ; l’inscription qui la surmonte met en garde les intrus. « Ne trouble pas le sommeil de la nymphe de la source sacrée ; je me repose. » Allusion à peine voilée aux châtiments terribles que la déesse de la chasse et ses compagnes, les nymphes, peuvent exercer à l’encontre de ceux qui perturbent leur intimité.

Comme Actéon qui avait par mégarde assisté au bain de Diane et de ses compagnes, transformé en cerf par la déesse et qui finit dévoré par ses chiens.

L’héritage bien lourd des perdrix. Au VIe siècle, Isidore de Séville les associait à la fourberie et aux vices contre nature. Après la Renaissance, la perdrix perd cette connotation sexuelle et redevient simple gibier. 

La nymphe de la source - Lucas Cranach le jeune - 1545–50 - Courtesy of Metropolitan Museum of New York  

Idée cadeau. Retrouvez ce sujet dans le livre "ART & CHASSE. Chassé-croisé" publié par les éditions du Gerfaut (frais d'envoi offerts).