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Jeux de mains selon Rodin

Meudon @annechevée
"La main est l'organe du possible" disait Paul Valéry. Une définition qui s'adapte comme un gant à l'usage que Rodin fit de cet abattis humain. 

Accumulées sur les étagères de son atelier, menues ou monumentales, poing crispé ou paume tendue, elles composent un répertoire formel d'une grande richesse expressive. Rodin puise souvent dans ce vivier, donnant une seconde vie à ses premières générations d'oeuvres comme ce petit nu posé au creux d'une main virile qui rejoue la création de l'homme par Dieu

Parmi les plus belles, deux mains jointes en prière construisent une ogive et composent ainsi la plus simple et la plus humaine des cathédrales.                                                                                                                                                                                 Mains - Auguste Rodin - Meudon                                                                                                                                                                                               Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre au musée des Beaux-arts de Chartres : "Jeux de mains avec Rodin" (complet)

 


Belleville, août 1944

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La libération de Paris s'est déroulée du 19 au 25 août 1944 devant l'appareil d'un photographe encore méconnu, Robert Doisneau. Envoyé par la Résistance voir l'état de trains allemands attaqués dans un tunnel à Belleville, le jeune photographe ne peut approcher mais réalise plusieurs clichés des habitants insurgés. «L'appareil photo me rend moins timide, moi qui l'étais beaucoup. Comme le casque du pompier, ça donne du courage» Robert Doisneau

Quelques années plus tard, la paix revenue, c'est l'objectif de Willy Ronis qui fixera la douceur de vivre de ce village populaire. Car à Belleville-Ménilmontant la vie est modeste mais plaisante. Entre les Buttes-Chaumont et le Père-Lachaise, on joue aux boules, on déjeune et on sieste dans la verdure tandis que certains vont encore chercher l'eau au puits. Images d'un Paris disparu dont Aristide Bruant fit une rengaine reprise par un autre chantre populaire, Georges Brassens. 

Les F.F.I de Ménilmontant - Robert Doisneau                                                                                                                                                                            Grande et petites histoires de Belleville-Ménilmontant à découvrir lors du cycle Tout connaître de Paris saison 2022-2023.

 


Dessine-moi La Cathédrale

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Né à Paris en 1866, Charles Jouas se forme en autodidacte au métier de peintre mais c'est dans la pratique du dessin qu'il va véritablement se révéler.

Fasciné par l’architecture gothique de Notre-Dame de Paris, Jouas entretint aussi une relation particulière avec Chartres, se liant d’amitié avec de nombreux habitants et vouant une véritable admiration à la cathédrale beauceronne.

Cette double passion pour le dessin et l'architecture gothique s'exprimera grâce à La Cathédrale, l'ouvrage de son ami Joris-Karl Huysmans dont il réalisera les illustrations. Publiée en 1909, cette édition reste aujourd’hui l’un de ses chefs-d’œuvre.

Les toits de la cathédrale, étude pour une illustration du chapitre XVI (détail)- 1906 - Charles Jouas - Pierre noire, fusain, sanguine et aquarelle

Reprise des visites-flash ART'Hist samedi 10 septembre. Présentation de l'exposition du musée des Beaux-arts de Chartres : "La Cathédrale de Joris-Karl Huysmans"


Une ombre au tableau

Edvard Munch - Nuit étoilée
Couleurs et émotions imprègnent fortement les oeuvres du peintre norvégien Edvard Munch. Mais ne vous fiez pas à la première impression, ce n'est pas toujours la bonne. Vérification faite dans ce paysage nocturne évoquant La nuit étoilée de Van Gogh, tableau vu par Munch à Paris au début des années 1880-90. Bien que les courbes douces de l'ensemble incitent à la contemplation, une lecture plus attentive y décèle d'étranges formes, présences fantomatiques et éphémères qui établissent un lien particulier avec l'artiste. 

Sur la surface blanche du milieu apparait une silhouette. Cette ombre relie l'œuvre de Munch à celle d'Henrik Ibsen, autre grand artiste norvégien, auteur d'une pièce racontant l'histoire d'un homme fuyant dans la neige retrouver son premier amour. On sait que Munch, traumatisé par ses anciennes liaisons, s'identifiait à ce personnage. 

Un œil averti distinguera l'ombre d'un profil dans le bas ; c’est un autoportrait caché. Une signature que le norvégien emploie aussi dans sa pratique de la photographie. Médium alors très moderne qui, comme le cinéma, a largement nourri son inspiration. Jusqu'à ses dernières œuvres Munch ne cessera d'utiliser son propre personnage, mêlant fiction et autofiction avec quelques années d'avance sur un certain Hitchcock.

Edvard Munch - Nuit étoilée - 1922-1924 - Oslo, Norvège, Munchmuseet
Un sujet à découvrir lors du cycle Expos+. L'exposition Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort sera présentée à partir du 20 septembre 2022 au musée d'Orsay.


Frida Kahlo, un ruban autour d'une bombe

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Lapidaire mais concise, cette formule d'André Breton définit parfaitement la vie et l'œuvre de celle qui est désormais l'une des plus célèbres mexicaines. Artiste féministe précoce, blessée dans sa chair, meurtrie dans ses rapports amoureux, Frida Kahlo (1907-1954) n'hésita pas à user de son expérience personnelle pour questionner le rapport de la femme à la société machiste de son époque. Et si les rubans témoignent du soin qu’elle portait à son apparence, ils ouvrent surtout la voie à une lecture vestimentaire de sa production.

Multipliant les autoportraits, Frida adopte la robe Tehuana, costume traditionnel des femmes de Tehuantepec. Car dans cette microsociété du Mexique méridional, les femmes sont respectées, indépendantes et solidaires. Une exception notable dans ce pays et une manière pour Kahlo de revendiquer au quotidien son statut de femme libre après son premier mariage avec le peintre Diego Rivera. Choix politique aussi, car dans le Mexique postrévolutionnaire des années 1920-30, endosser le costume des femmes indigènes de l’isthme de Tehuantepec n’a rien de folklorique mais relève d’une revendication identitaire d’ampleur nationale. 

Un sujet à découvrir lors du cycle Expos+. L'exposition "Frida Kahlo, au-delà des apparences" sera présentée à partir du 15 septembre au Palais Galliera, à Paris. 

 


Les faces cachées du soleil

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Astre qui fascine et inspire les hommes depuis la nuit des temps, le soleil est dieu, père, principe fondateur de nombreuses civilisations. Étoile de feu nommée Hélios, Apollon ou Phébus, il règne en maître et incarne l'indispensable élan vital pour les peuples de l'antiquité. Mais lorsqu’un seul Dieu suffit à régner sur l’occident chrétien, le disque lumineux de son importance ; il n’est plus créateur, seulement création du Dieu fait homme. Réduit au rôle d'accessoire, l'astre prestigieux devient même au 17e siècle français l'apanage d'un certain Roi-Soleil.

Démontrant que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil (et non l’inverse), Copernic est à l’origine d’une véritable révolution qui ne sera pas sans lien avec l'histoire des arts. Au 19e siècle, mus par l'envie de représenter le monde tel qu’il est, les peintres font émerger la peinture de paysage qui offre alors une place de choix au soleil. Quelques saisons plus tard, le disque émerge dans la fraicheur matinale du Havre, dépouillé de toute symbolique sous le pinceau de Claude Monet. Et "ainsi qu'un poète, il descend dans les villes, il ennoblit le sort des choses les plus viles" écrit Baudelaire dans Les Fleurs du mal

Sous le soleil de septembre, le musée Marmottan dévoilera diverses faces de l'astre dans une exposition renouvelant le point de vue proposé il y 150 ans par Monet dans son tableau mythique, Impression, soleil levant. A découvrir lors du cycle Expos+.                        Arthur G. Dove - Red sun - 1935 - Courtesy of The Phillips Collection, Washington, DC, 20009 


Il faut cultiver son jardin

Seurat Met M The gardener 1882 - taille moyenne
Autrefois villages de la périphérie parisienne, aujourd'hui quartiers excentrés de la capitale ; les noms de Belleville, Ménilmontant, Charonne et La Villette exhalent encore un parfum de villages champêtres. Bourgs ruraux au moment de la Révolution, ils accueillaient cultivateurs, maraîchers, vignerons et petits rentiers installés dans un cadre campagnard arrosé de nombreuses sources. Chassée de la capitale par les travaux d'Haussmann ou attirée par le bon air de la campagne, la population de cette petite banlieue se développa de façon anarchique dans la première moitié du 19e siècle. 

Au détour des rues, perchées sur les pentes des collines de Belleville et Ménilmontant, plusieurs enclaves de charme conservent le souvenir de ce passé verdoyant. Ainsi, la villa de l'Ermitage créée en 1857, composée de maisons d'habitation agrémentées de cours et de jardins dans un périmètre clos de murs. Afin de préserver la tranquillité de cet îlot, des servitudes particulières furent imposées aux acquéreurs des terrains ; aucune activité professionnelle susceptible de nuisances sonores ou olfactives et une hauteur des maisons limitée à trois mètres.

Bien que Georges Seurat soit surtout connu pour ses scènes de la vie urbaine parisienne, sa peinture représente aussi ouvriers ruraux et paysages de banlieue. Parfaitement intégrée au décor, la silhouette colorée de ce jardinier contribue à la sérénité de cette petite composition. Asphyxiés par le bitume et le béton, nombreux sont les urbains en mal de verdure qui renouent désormais avec la binette et l'arrosoir. Mode passagère ou écho voltairien ? Dans l'épilogue de Candide, le travail (jardinage) évite l'ennui (occupe le temps), le besoin (car il produit de la richesse) et le vice (car il n'est pas tenté de dérober les biens d'autrui).Ce sujet sera développé en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.

Le jardinier - 1882-1883 - Georges Seurat - Metropolitan Museum, NY