Le tango des bouchers de la Villette
Gustave Caillebotte est devenu peintre en étudiant la peinture de ses amis, les impressionnistes. Comme eux, il a souvent représenté boulevards parisiens et paysages de banlieue, exprimant la modernité de son travail dans des cadrages audacieux. Mais cette singulière composition peinte en 1882 détonne au sein de son œuvre et témoigne de la place particulière qu'occupe alors l'activité de boucherie.
Car le début du 19e siècle voit la création des premiers abattoirs, lieux clos et surveillés, à Paris. Jusque-là, la mise à mort des animaux s’effectuait principalement dans des tueries particulières appartenant aux bouchers. En quête de respectabilité, la profession va alors distinguer le "boucher abattant" du "boucher détaillant". 1867: trois grandes halles abritant le marché aux bestiaux ainsi que des abattoirs sont inaugurés près du canal de l'Ourcq. Désormais, l'histoire de l'ancien village de La Villette va se confondre avec celle de ce monde clos surnommé "la cité du sang" qui fascine et inquiète par ses rites. Expression de cette stigmatisation, Boris Vian chante "Faut qu'ça saigne" en 1955, associant "tueurs des abattoirs" et "Va-t-en guerre" de tout poil dans un drôle de tango, celui des bouchers de la Villette. Ce sujet sera développé en cycle Tout connaître de Paris, saison 2022-2023.
Tête de veau et langue de bœuf - 1882 - Gustave Caillebotte - Art Institute Chicago