Le souvenir de Napoléon est toujours très présent à Paris. Parfois fort visible; la colonne Vendôme, mais aussi plus discret, comme ces documents cachés dans la statue du Pont-Neuf! (Lire l'article précédent)Néanmoins, le lieu qui honore avec le plus grand panache ce "grand-petit" homme reste le dôme des Invalides .
Etape incontournable des touristes visitant la capitale, la belle église élevée sur l'ordre d'une autre vedette de l'histoire française abrite pourtant plusieurs tombes dont on oublierait presque la présence tant le
sarcophage de Napoléon capte l'attention des visiteurs. Une célébrité que chacun apprécie à sa juste valeur....selon ses origines et son patriotisme.
Par exemple, n'abordez pas ce sujet avec un anglais, nous n'avons pas tout à fait le même point de vue en général. Choisissez plutôt un terrain neutre si vous souhaitez poursuivre la conversation sans heurts; pourquoi pas Hitler ?
Saviez-vous qu'un matin de juin 1940, le dit-personnage fut l'un des visiteurs du dôme des Invalides ? Le Führer qui venait d'anéantir la France pouvait enfin réaliser un vieux rêve: visiter Paris et s'incliner sur la tombe de l'empereur français. Or, ce jour-là, Hitler prit une décision tout à fait inattendue: il ordonna le transfert des cendres de l'Aiglon, le fils de Napoléon, à Paris.
Depuis plus d'une centaine d'années, ses restes reposaient à Vienne dans la crypte des Capucins et malgré de nombreuses démarches en ce sens, la France s'était toujours vu opposer un refus catégorique de la part des autrichiens. C'est donc l'amiral Darlan qui reçut les cendres de l'Aiglon au nom du gouvernement de Vichy en décembre 1940.
Afin d'honorer le fils de l'empereur, une messe solennelle fut célébrée en grande pompe par l'archevêque de Paris devant les représentants de la famille impériale bouleversés par l'émotion. Mais au même moment, une tragi-comédie assez savoureuse se jouait à l'extérieur où tout le monde cherchait la couronne de fleurs offerte par le Führer. Une couronne qui ne pouvait passer inapercue puisqu'il s'agissait d'une énorme croix gammée composée de pensées......
Beaucoup ignoraient que la famille Morin, employée aux Invalides et vivant dans l'enceinte de l'hôtel, n'avait pu supporter l'offense. Une croix gammée près du tombeau du maréchal Foch, quelle insulte pour le doyen de la famille, grand blessé de 14-18!
Alors Denise, sa fille, avait choisi de laver l'affront à sa manière. Profitant d'un moment d'inattention de la sentinelle, elle s'était emparée de la couronne....et l'avait brûlée dans le poêle familial.
Dans les jours qui suivront, la morale de cette histoire sera inscrite à la craie sur les murs des usines de banlieue: " Ils nous prennent le charbon et nous rendent les cendres." Pauvre Léon.
Etude du lieu et de son architecture à l'occasion du cycle sur Paris (voir la rubrique Cours d'histoire de l'art) et lors des visites de l'hiver. A lire, petites anecdotes dans la collection La mémoire des lieux. L'hôtel des Invalides. Anne Muratori-Philip. Editions Complexe.