Prison royale

A la veille de la Révolution, les grandes prisons parisiennes offraient un triste inventaire des abus et des défaillances de la politique carcérale.

Georges Cain Marie Antoinette sortant de la Conciergerie Musées de la Ville de Paris

Marie-Antoinette sortant de la prison de la Conciergerie le 16 octobre 1793 - Georges Cain - Musées de la Ville de Paris. Parmi elles, la Conciergerie, ancienne demeure royale qui fut l'une des plus importantes et des plus sévères accueillait près de 800 détenus par an.

C'est au 14e siècle que débute l'histoire de cette geôle. Elle tient son nom du logement du Concierge, personnage important et proche du roi, qui résidait là. Aux heures les plus sombres de la Terreur, le terrible Fouquier-Thinville y exerça la fonction d'accusateur public. Plus de 2700 personnes condamnées à mort y "séjournèrent" avant leur départ vers l'échafaud. La reine Marie-Antoinette, le poète André Chénier, les 21 députés girondins déclarés coupables de conspiration contre la République et Robespierre figurent ainsi sur la liste des pensionnaires les plus célèbres.

Au 19e siècle, conformément aux intentions de Louis XVIII, une chapelle fut construite à l'emplacement de la cellule où la reine vécut ses derniers jours. Jugée de manière expéditive, c'est là, au retour du tribunal à 4h du matin, qu'elle passa ses dernières heures avant son exécution à midi et quart.  

Prochain sujet du cycle Tout connaître de Paris, mardi 10 mars et mercredi 11 mars : "76 jours à la Conciergerie" - mardi 17 mars et mercredi 18 mars : "Les dernières heures de Robespierre"


Boîtes à malices

Sous Henri IV, la France qui sort d'une longue période de troubles civils, peine à être le foyer artistique qu'elle fut sous François 1er. 

Pourtant dès 1604, soucieuse de glorifier l'action de son époux, Marie de Médicis propose d'offrir à la ville de Paris une statue équestre du roi, érigée à la pointe de l'île de la Cité, sur le Pont-Neuf. 

Rompue aux usages des cours italiennes, la reine savait qu'un groupe de ce type, associant guerrier triomphant et cheval, fixerait pour la postérité la figure d'Henri IV.

Henri

Malheureusement, de cet ensemble, célèbre dès sa création, il ne subsiste que quelques débris.Victime du vandalisme révolutionnaire, la statue disparut au cours de l'année 1792.

Dès 1814, une version en plâtre fut placée sur le pont et, en 1818 on installa une nouvelle sculpture de bronze. Cette démarche visait à rendre ainsi à Paris son identité royale. L'époque impériale n'ayant pas été avare de monuments symboliques, il sembla nécessaire de contrer la propagande napoléonienne sur son propre terrain. De plus, l'humeur était à la vengeance ! Le nouveau Vert-Galant fut donc coulé dans le bronze de la statue qui surmontait la colonne Vendôme.

On raconte cependant que l'histoire ne s'arrêta pas là. Le fondeur, bonapartiste convaincu, aurait vengé cette profanation en cachant dans le ventre du cheval plusieurs pamphlets contre la Restauration placés dans des boîtes.

L'histoire était assez piquante et les restaurations menées sur la statue en 2004 ont bien révélé la présence de boîtes. Lesquelles contenaient effectivement des documents mais qui étaient liés à la gloire du Vert-Galant ainsi qu'au retour de la royauté sur le trône de France en 1818... 

Un dépôt hautement symbolique qui tentait ainsi d'effacer l’œuvre révolutionnaire en re-consacrant le fondateur de la dynastie Bourbon.

Ce sujet sera développé mardi 10 et mercredi 12 décembre 2018 en salle ART'Hist (Cycle Tout connaître de Paris - Les rives de la Seine). A lire grâce aux livrets qui accompagnent ces conférences : dans la collection Promenades parisiennes, "Sur les traces d'Henri IV" et "Les rives de la Seine"

 
 

 


MÉLANGE DES GENRES A L’OPÉRA GARNIER

De l'or à profusion, des marbres à foison, un rouge impérial pour de confortables loges et ..... 3500 lampes à gaz ! Navlet - Musée d'Orsay Escalier de l'Opéra à Paris

En cette fin de 19e siècle le nouvel opéra de Garnier offre un écrin somptueux à l'élégante société parisienne qui - dès son inauguration - fait du lieu le dernier endroit à la mode. Mais le décor ne se limite pas à la scène.

Au Palais Garnier, les spectateurs se font acteurs, Paris se donne en spectacle.

Ainsi dès leur entrée, les abonnés peuvent ajuster leur tenue grâce à deux miroirs placés face à face avant d'entrer "en scène" en gravissant les marches du grand escalier. Ne dit-on pas d'ailleurs que la couleur rouge fut adoptée dans la salle car les reflets produits donnaient ainsi plus de jeunesse et d'éclat aux blanches épaules des spectatrices.  

Puis le rideau tombe. Les grandes portes se referment. Et dans l'obscurité naissante une ombre se profile. Un fantôme parmi d'autres. Car l'Opéra est propice à la naissance des légendes, vivantes ou littéraires.

Comme cette nappe d'eau mystérieuse décrite par Gaston Leroux: un bassin conçu par Garnier pour permettre aux structures de l'édifice de résister à la puissance des eaux d'infiltration. Ou encore l'écho de ces voix endormies dans les sous-sols depuis 1907 ...

 


DEUX PORTRAITS, UN ABÎME

1806 - 1814. Deux dates, deux portraits, deux visions d'un seul homme. Un abîme les sépare.

Si dans bien des cas, l'image du pouvoir impérial se pare des attributs du réalisme, elle n'en demeure pas moins une allégorie mêlant plus ou moins habilement les symboles du visible et de l'inconscient. Dans le cas de l'imagerie napoléonienne, les exemples sont particulièrement nombreux et variés. Selon un procédé largement influencé par le mouvement romantique et son goût pour 19e s. anonyme - boîte avec profil de Napoléon - Musée Rueil Malmaison
l'imaginaire, de multiples " portraits cachés ' ont accompagné l'épopée de Bonaparte. Images doubles, jeux de regards, ces illustrations sont bien souvent classées dans la grande famille des arts dits mineurs. Pourtant comme les portraits plus "sérieux", elles sont l'une des conséquences logiques de l'époque des Lumières qui place l'individu au centre des regards.  

Au chapitre des portraits d'histoire, les figurations de Napoléon varient selon leurs auteurs. En 1806, Ingres livre un tableau emblématique qui surprendra par sa mise en scène provoquant l'incompréhension,voire l'indignation. En figurantMusée de l'Armée - Ingres - 1806  
l'empereur assis sur son trône, muni des regalia, Ingres se livre à une curieuse démonstration des pouvoirs impériaux et monarchiques du passé.
 Il mélange allègrement les références: une figure d'empereur vue sur un diptyque byzantin en ivoire, l'allusion à la posture de Charlemagne sur le sceptre dit de Charlemagne, une représentation de St-Louis ... Voici ce que l'on écrira lors de sa présentation: " ...M.Ingres ne tend rien moins que faire rétrograder l'art de quatre siècles..."

Autre peintre, autre temps. C'est un petit homme bedonnant qu'imagine le peintre Paul Delaroche en P. Delaroche Napoléon à Fontainebleau - Musée de l'Armée
1845. L'heure n'est plus à la gloire et l'image insiste sur la défaite morale et physique du sujet. l'Empire a vécu.
 


Ces deux tableaux sont conservés au Musée de l'Armée - Hôtel des Invalides à Paris. Vous pourrez les découvrir en détail lors de la visite du 3 février aux Invalides (voir le programme des visites guidées) 

 

 



DE LUTECE A HAUSSMANN, MORT ET RENAISSANCE DE PARIS, VILLE ANTIQUE

Tout visiteur de la capitale française connait le nom d'Haussmann; mais qui se souvient de son contemporain Théodore Vacquer ? 

"Modeste jusqu'à la cachotterie, fantasque jusqu'à la bizarrerie". C'est ainsi que fut décrit le père de l'archéologie parisienne, personnage pittoresque à qui nous devons l'essentiel de la redécouverte du Paris antique. Ce sont donc les grands travaux haussmanniens qui lui permirent de faire moultes observations entre 1842 et 1895.  Reconstitution du Paris antique
 

Avant lui, on ne concevait le plan de la ville romaine qu'à partir des textes antiques de César ou des écrits plus tardifs de Grégoire de Tours. 

Employé par l'administration parisienne, il exerça des surveillances de chantiers avant d'être nommé conservateur du Musée Carnavalet où il créa les premières salles archéologiques. Les collections de ces salles, celles du Musée national du Moyen-Âge et la crypte archéologique du parvis de Notre - offrent aujourd'hui un panorama assez complet de ce que fut la cité des Parisii.


NAPOLÉON EST MORT A SAINTE HÉLÈNE, SON FILS LÉON...

Le souvenir de Napoléon est toujours très présent à Paris. Parfois fort visible; la colonne Vendôme, mais aussi plus discret, comme ces documents cachés dans la statue du Pont-Neuf! (Lire l'article précédent)

Néanmoins, le lieu qui honore avec le plus grand panache ce "grand-petit" homme reste le dôme des Invalides

Etape incontournable des touristes visitant la capitale, la belle église élevée sur l'ordre d'une autre vedette de l'histoire française abrite pourtant plusieurs tombes dont on oublierait presque la présence tant le Napoléon et son fils - 1812 - A. Menjaud - Fontainebleausarcophage de Napoléon capte l'attention des visiteurs. Une célébrité que chacun apprécie à sa juste valeur....selon ses origines et son patriotisme.

Par exemple, n'abordez pas ce sujet avec un anglais, nous n'avons pas tout à fait le même point de vue en général. Choisissez plutôt un terrain neutre si vous souhaitez poursuivre la conversation sans heurts; pourquoi pas Hitler ?  

Saviez-vous qu'un matin de juin 1940, le dit-personnage fut l'un des visiteurs du dôme des Invalides ? Le Führer qui venait d'anéantir la France pouvait enfin réaliser un vieux rêve: visiter Paris et s'incliner sur la tombe de l'empereur français. Or, ce jour-là, Hitler prit une décision tout à fait inattendue: il ordonna le transfert des cendres de l'Aiglon, le fils de Napoléon, à Paris. 

Depuis plus d'une centaine d'années, ses restes reposaient à Vienne dans la crypte des Capucins et malgré de nombreuses démarches en ce sens, la France s'était toujours vu opposer un refus catégorique de la part des autrichiens. C'est donc l'amiral Darlan qui reçut les cendres de l'Aiglon au nom du gouvernement de Vichy en décembre 1940. 

La statue de Napoléon dominant le tombeau de l'Aiglon aux Invalides  Afin d'honorer le fils de l'empereur, une messe solennelle fut célébrée en grande pompe par l'archevêque de Paris devant les représentants de la famille impériale bouleversés par l'émotion. Mais au même moment, une tragi-comédie assez savoureuse se jouait à l'extérieur où tout le monde cherchait la couronne de fleurs offerte par le Führer. Une couronne qui ne pouvait passer inapercue puisqu'il s'agissait d'une énorme croix gammée composée de pensées......

Beaucoup ignoraient que la famille Morin, employée aux Invalides et vivant dans l'enceinte de l'hôtel, n'avait pu supporter l'offense. Une croix gammée près du tombeau du maréchal Foch, quelle insulte pour le doyen de la famille, grand blessé de 14-18!

Alors Denise, sa fille, avait choisi de laver l'affront à sa manière. Profitant d'un moment d'inattention de la sentinelle, elle s'était emparée de la couronne....et l'avait brûlée dans le poêle familial.

Dans les jours qui suivront, la morale de cette histoire sera inscrite à la craie sur les murs des usines de banlieue: " Ils nous prennent le charbon et nous rendent les cendres."            Pauvre Léon.

Etude du lieu et de son architecture à l'occasion du cycle sur Paris (voir la rubrique Cours d'histoire de l'art) et lors des visites de l'hiver. A lire, petites anecdotes dans la collection La mémoire des lieux. L'hôtel des Invalides. Anne Muratori-Philip. Editions Complexe.





RECETTE ESTIVALE

15 août! Paris sur plage ! Nous sommes toujours en été bien que la météo soit un peu capricieuse ces derniers jours. Mais c'est désormais une habitude, depuis quelques années, les petits parisiens peuvent se promener en toute quiétude sur les bords de Seine recouverts de sable. Une trêve de quelques semaines est ainsi accordée aux amoureux de la ville-lumière qui s'approprient à nouveau les quais et une superbe vue sur l'île de la Cité voisine. 

Heureux parents - et grands-parents - chargés de surveiller ces bambins qui multiplient les pâtés sans se soucier du temps .....qui ne passe pas très vite. Alors ouvrez grandes vos oreilles; voici justement une histoire de pâtés !

L'ancien quartier des chanoines sur l'île de la Cité à Paris En 1387, un fait divers qui eut pour cadre le quartier de la cathédrale captiva l'attention des habitants de l'antique Lutèce. Deux commerçants habitant rue des Marmousets (le secteur de l'actuelle rue Chanoinesse) étaient voisins. L'un était barbier tandis que l'autre était un pâtissier fort réputé pour la qualité de ses pâtés de viande. Le roi lui-même s'en régalait.

 A cette époque de nombreux étudiants étrangers venaient à Paris tout autant attirés par la qualité de son université que par la beauté des demoiselles. Les plaisirs ne manquant pas, les jeunes gens en abusaient parfois et s'ils venaient à disparaitre, on mettait cela sur le compte des nombreux truands. 

Or à l'approche de Noël, on signala la disparition d'un étudiant allemand dont le chien fut retrouvé hurlant à la mort près de l'échoppe du barbier. Les condisciples du disparu alertèrent aussitôt les sergents du guet. Pressé de questions, le barbier finit par avouer ses méfaits. Il arrivait souvent que son rasoir dérape...et que son client passe ainsi de vie à trépas. Il descendait alors le corps dans sa cave et grâce à un trou ménagé dans le mur livrait à son voisin la matière première de ses délicieux pâtés.

Le chroniqueur Du Breul précisa que les " pastez (...) se trouvaient meilleurs que les aultres, d'autant que la chair d'homme est plus délicate, à cause de la nourriture, que celle des aultres animaux."