Une balade en peinture

Au bord de la mer 1883 Renir Met museum
A partir de 1879, Renoir séjourne à plusieurs reprises au château de Wargemont près de Dieppe. Il y est accueilli par Paul Berard, riche client devenu son ami, qui préférait la vie de bohême à la compagnie des gens de son milieu. C'est là qu'il exécute un certain nombre d'études de la côte et de la campagne environnante. 

Généralement plus attaché à la figure humaine qu'au paysage, le peintre ne s'intéresse pas précisément à la topographie. En revanche, il se montre intransigeant sur un point : la peinture doit lui apporter du plaisir et procurer de la joie à ceux qui la regardent.  "Moi, j'aime les tableaux qui me donnent envie de me balader dedans [...]"

Au bord de la mer 1883 Renir Met museum - Copie

Renoir a probablement composé cette œuvre en atelier à l'aide des études de paysages faites préalablement.
La pose de la jeune femme installée dans un fauteuil révèle l'influence du voyage qu'il fit en Italie en 1881-1882 et où l'artiste admira particulièrement la « grandeur et la simplicité » des portraits de la Renaissance.
 
Scène de plage - 1883 - A. Renoir - Metropolitan Museum of Art, NY

LA FOLIE AUX PORTES DU GÉNIE

Certains parlent, d'autres préfèrent peindre ou modeler.

La création artistique est une forme d'expression parmi d'autres; un lien physique tissé vers la société. Mais pour quelques artistes cet échange semble parfois difficile à ordonner. Le créateur butte, en proie à une imagination si fertile et si débridée qu'elle semble friser avec la démence. Ainsi Camille Claudel qui, avant d'atteindre les frontières de la folie, déploya l'étendue de son talent en inventant des images au fort contenu symbolique comme L'âge mûr

Plus d'un siècle avant Mademoiselle Claudel, un homme avait lui aussi exprimé les tourments de son âme dans des créations plastiques extraordinaires. Drôle de caractère ! Franz Xaver Messerschmidt, portraitiste reconnu fut écarté de la cour viennoise pour cause de troubles mentaux. Animé, comme Camille, d'un délire de persécution, il ressentit douloureusement le tort qui lui était fait. Conscient de son état et cherchant un moyen de combattre les fantômes qui le hantaient, il fit de son métier un exutoire au mal, reproduisant inlassablement les mimiques grimaçantes de son visage sous l'emprise de l'angoisse.  

Rictus sardonique, moue désabusée, bouche béante ou cadenassée par une bande, une cinquantaine de têtes virent le jour sous les doigts fébriles de Messerschmidt entre 1771 et 1783. 

Quelle que soit l'interprétation de ces têtes d'expression, elles s'inscrivent clairement dans le débat qui tente de justifier le génie et son moteur ; l'inspiration. A la fin du 18e siècle et au siècle suivantplusieurs scientifiques et pseudo-scientifiques tenteront d'associer les maladies de l'âme aux manifestations éclatantes de certains génies artistiques. 

Car Diderot l'écrivait déjà : "(...) le génie et la folie se touchent bien près !"

Visite commentée de l'exposition du Musée du Louvre : jeudi 17 mars 2011 à 11h30. Voir la rubrique Visites guidées.

 


DIX ANNÉES DE SOLITUDE

C'est à Philoctète qu'Héraclès au soir de sa vie, confia ses flèches et son arc. Bien que prétendant de la belle Hélène, Philoctète s'était engagé après le mariage de celle-ci avec Mélénas à secourir l'élu s'il subissait un outrage. L'enlèvement d'Hélène par Pâris l’entraîna donc sur le chemin de Troie en compagnie de ceux qui avaient décidé de venger l'affront, muni de ses fameuses flèches empoisonnées. Philoctète par Drouais - Musée des Beaux Arts de Chartres

Mais alors qu'il faisait escale dans l'île de Tenedos, on rapporte qu'il fut mordu par un serpent ou selon d'autres sources, blessé par l'une de ses flèches. Dès lors, la malchance s'acharna sur le malheureux.  

Sa plaie ne se referma pas et répandit une odeur si fétide que ses compagnons décidèrent de l'abandonner sur l'île. Philoctète y resta dix longues années souffrant de sa blessure et de la solitude. Il ne dut sa délivrance qu'à l'échec des grecs devant Troie. Incapables de pénétrer dans la ville, ceux-ci consultèrent l'oracle qui leur révéla qu'ils ne réussiraient pas sans les flèches de Philoctète. 

Ulysse le ramena donc devant Troie où correctement soigné, il recouvra ses forces et put participer à la prise de la ville. 

Sujet littéraire exploité par Sophocle, la mésaventure de Philoctète a été brillamment interprétée par l'un des élèves de DavidJean-Germain Drouais. Artiste prometteur mort précocement à l'âge de vingt-cinq ans, il fut l'un des meilleurs représentants du Néo-Classicisme au début du 19es.                         L'oeuvre qui a appartenu à l'égyptologue Champollion provient du Musée des Beaux-Arts de Chartres. Elle est actuellement visible au Louvre dans l'exposition " L'Antiquité rêvée"

Visite guidée de l'exposition jeudi 6 janvier à 13h . Voir détails pratiques dans la rubrique Visites guidées.


PETITS PETONS DE ROI LION

Ce n'est un secret pour personne : l'enfant chinois est roi en sa famille. La situation actuelle des jeunes générations chinoises - contraintes de respecter la règle de l'enfant unique - justifie donc l'attitude très protectrice des parents à leur égard. Mais l'exposition du Musée Guimet "Costumes d'enfants - Miroir des grands " nous apprend que les chinois ont accordé un intéret précoce à la santé de leur progéniture.

Qian Yi qui vécut entre 1032 et 1113, est généralement considéré comme le père fondateur de la pédiatrie dans ce pays. Bien que les connaissances médicales n'aient cessé de s'améliorer, on constate pourtant que le taux de mortalité resta très élevé jusqu'au milieu du XXe siècle; une situation paradoxale certainement liée à de mauvaises conditions d'hygiène et à l'absence de vaccins appropriés.

Tandis que la médecine se penchait sur la protection du corps des enfants, les pratiques populaires se préoccupèrent du sort de l'âme des petits. Jugée instable, cette âme fragile était considérée responsable de leur vulnérabilité face à la maladie et à toute autre cause de décès prématuré.

Cette croyance fit attribuer un rôle prophylactique - c'est-à-dire protecteur - aux différentes pièces du costume d'enfant. Protégeant le corps nu contre lesChaussures d'enfant à tête de lion  Chine XXe siècle  éléments naturels, vêtements, coiffes et chaussures sont donc désormais investis d'un pouvoir de protection supplémentaire contre les menaces invisibles, ceux des esprits malveillants ou des fantômes des morts insatisfaits. Afin de les effrayer - car ils ont peur du bruit - des clochettes et des grelots sont dissimulés sur les chapeaux et les chaussures des jeunes enfants. Et comme les gui (les fantômes) ont également peur des tigres et des chats, l'extrémité des chaussures devient prétexte à de candides versions léonines, plus attendrissantes qu'effrayantes ....

Visite guidée de l'exposition " Costumes d'enfants - Miroir des grands "  Jeudi 9 décembre au Musée Guimet.

Voir les détails pratiques dans la rubrique Visites guidées.

 


LE CINEMA DE MONSIEUR GEROME

Impitoyable, le gladiateur écrase de son pied la gorge du malheureux qui gît sur le sable de l'arène.

Pollice verso - 1872 - Phoenix Art Museum
Devant lui, les spectateurs brandissent leurs pouces renversés en un geste homicide qui nous est désormais familier car souvent reproduit au cinéma. Partagé entre l'horreur du crime imminent et le faste du décor, le visiteur comprend mieux ce qui fit la gloire de Jean-Léon Gérôme, peintre vedette des salons officiels de la fin du 19e siècle.

 L'un de ses talents fut de composer des images qui semblaient reproduire avec exactitude des réalités ...parfois ...fantasmées. Usant - et abusant - de la critique générale qui le désignait comme "peintre ethnographe"  " rendant simplement ce qu'il voyait", Gérôme combina de nombreuses sources d'inspiration et fabriqua des oeuvres poétiques parfois très éloignées de la réalité. Ce sens de la mise en scène spectaculaire trouva aussi son public grâce à ses liens avec la photographie. Gendre de Goupil - fondateur d'une maison spécialisée dans le commerce des oeuvres d'art - Gérome bénéficia d'une reconnaissance rapide de ses peintures auprès d'un large public grâce à la gravure et à la photographie.

Détail de Pollice verso   Cette diffusion de son oeuvre explique en partie, le vif intéret qu'il suscita en Amérique. Décorateur, scénographe, passionné d'archéologie, l'artiste 
sut parfaitement séduire par un mélange de sensibilité et de férocité qui anticipe sur les péplums à venir du septième art.

Visite guidée de l'exposition du Musée d'Orsay " Jean-Léon Gérôme, l'histoire en spectacle " : jeudi 25 novembre et samedi 27 novembre.

Détails pratiques dans la rubrique Visites guidées.


UN VERRE DE TROP

Atahualpa avait pourtant respecté la coutume enseignée par ses ancêtres en offrant aux étrangers la chicha - une bière de maïs - dans de magnifiques gobelets d'or.

 Or,chrysocole. Gobelets conservés à Lima -Fondation. Gallo

Car la coutume inca veut qu'avant toute négociation, le 
partenaire le plus puissant offre cette boisson. La refuser était déjà une sorte d'affront et les conquistadores durent donc céder devant l'insistance des incas. Mais les choses se compliquèrent lorsqu'en retour, Pizzaro fit remettre à l'empereur, fils du Soleil, une Bible. Ce dernier se saisit du livre, l'approcha de son oreille et ... le jeta à terre car il ne produisait aucun son susceptible de transmettre le message divin attendu ! Ce geste impie déclencha la colère de Pizzaro et s'ensuivit une terrible confusion.

Bel exemple d'incompréhension mutuelle: on connait la fin de l'histoire qui fut tragique pour le peuple inca.

L'exposition de la Pinacothèque présente un grand nombre de ces gobelets à caractère rituel. Des plus simples, en bois, aux plus somptueux en or, ils sont généralement associés par paires car la réciprocité était une donnée essentielle de la culture andine. Rendre une faveur créait des liens. En offrant la Bible en échange du verre, ce sont des liens de sang que créèrent les espagnols.

Cliquez sur ce lien pour en savoir plus sur les objets en or de l'exposition

 Exposition "L'Or des Incas - Pinacothèque de Paris jusqu'au 6 février 2011.


POLITIQUEMENT INCORRECT

Gosier grand ouvert afin d'avaler un jet continu de vin, le garçonnet expose avec impudeur sa bedaine. Deux salles plus loin, onze abricots charnus rosissent de plaisir, leurs globes délicatement offerts sur une coupe de faïence. 

Dans son catalogue, le musée Jacquemart-André promet pour son exposition de la rentrée une vision "inédite" de deux mouvements artistiques majeurs du 17es. Le défi parait difficile à relever au vu des multiples expositions qui ont déjà abordé ce sujet, celui de la place tenue par le baroque et le classicisme.

Mais l'innovation n'est pas toujours là où on l'attend. Car en y regardant bien, on constate qu'une certaine licence règne sur les sujets de ce siècle. une liberté de ton que n'autorisent plus nos codes moraux et commerciaux. Et pour cause ....

Un enfant ivre. Bacchus, il est vrai.  Cependant nous le savons tous, l'ivresse ne doit pas et ne peut être perçue comme règle de vie pour notre progéniture.

Lubin Baugin. Coupe de fruits. 17es . Rennes, musée des Beaux-ArtsMais il y a pire !  Revenons vers nos abricots et calculons. Onze abricots juteux en admettant qu'un bel abricot pèse en moyenne 65 ou 70 grammes, je multiplie ... par ... je retiens, j'ajoute ..... et j'obtiens grosso modo un kilo dans cette coupe en comptant les fruits cachés. Après ce savant calcul, je retrouve au fond de mon panier les facturettes de l'été mentionnant le prix des abricots achetés. Puis je compare avec le prix du billet d'entrée de l'exposition. 

Et bien, oui Madame, moi des abricots, aujourd'hui, à ce prix-là, je vous le dis: courez vite les acheter, vous n'en reverrez plus de si beaux sur nos marchés.

Exposition "Rubens, Poussin et les peintres du 17e siècle" - Musée Jacquemart-André jusqu'au 24 janvier 2011. 

Lire l'article du Musée du Louvre à propos d'un autre tableau de Lubin Baugin, le peintre de cette coupe d'abricots.

Voir la vidéo filmée dans les salles de l'exposition par le JDD



A LA TABLE DE MONET

Aubergines farcies, brochet au beurre blanc ou bananes au gratin ... C'est une cuisine bourgeoise et savoureuse qui prend place dans la lumineuse salle à manger de Giverny. Amateur de bonne chère, Claude Monet est attentif aux plaisirs de la table.  Le déjeuner Claude Monet 1868 - St.K.und S. Galerie -Francfort
En 1886, ses liens se distendent un peu avec le groupe impressionniste - il ne participe pas à la dernière exposition - mais il continue à les rencontrer lors des "dîners des bons cosaques" au Café Riche. Bien que les natures mortes soient peu nombreuses dans son oeuvre, il représente fréquemment nourriture et vaisselle sur ses tableaux de figures où chaque détail exprime un certain art de vivre à la française.

Pour en savoir plus sur l'art du bien manger à Giverny les  recettes de cuisine  de la famille Monet.


MONET, ET "LE RÊVE DEVINT RÉALITÉ"

Quelle belle formule imaginée par Octave Mirbeau, écrivain et ami du peintre lorsqu'il évoque ainsi le puissant pouvoir onirique que dégage l'oeuvre de Monet. "Et le rêve devint réalité". 

La gare St Lazare en 1877 - Monet - Musée d'Orsay Peut-être alors viendrez-vous rêver dès le mois de septembre au Grand Palais où se prépare une grande rétrospective de sa carrière. Des plages normandes de son enfance aux Nymphéas quasi abstraits des dernières années, l'exposition s'annonce comme la plus importante manifestation dédiée à cet artiste depuis près de trente ans. 

On connait le Monet paysagiste mais il fut aussi peintre de figures, certes parfois peu conventionnelles car tracées à l'aide de touches imprécises. Comme ces "Femmes au jardin" ; refusées par le jury du Salon en 1867 qui déplore à la fois l'absence d'un vrai sujet et l'inachèvement du tableau. Désormais admirées par les milliers de visiteurs du musée d'Orsay, elles sortiront exceptionnellement de leur salle pour rejoindre d'autres scènes de plein air prêtées par des musées étrangers. 

Grâce aux recherches menées ces dernières années, l'exposition permettra ainsi une nouvelle confrontation de ses tableaux célèbres et d'oeuvres moins connues.

Exposition " Claude Monet". Du 22 septembre 2010 au 24 janvier 2011. Galeries nationales du Grand Palais.


POUSSIN ET RUBENS AU MUSEE JACQUEMART ANDRE

Poussin. Rubens. Deux grands noms de la peinture du 17es qui semblent résumer deux visions de l'art: le classique et le baroque. 

L'exposition qui ouvrira ses portes le 24 septembre au Musée Jacquemart André  voyagera donc d'un pays à l'autre, des Flandres sous gouvernance 

Gaspard Dughet Paysage 17e Musée Fesch Ajaccioespagnole au royaume de France qui devient alors l'une des premières puissances continentales. 

Héritière de la culture de la Renaissance, la production picturale se diversifie, multiplie les genres. Car en ce grand siècle mystique si les images exaltent à la fois le culte collectif et la méditation privée, elles ouvrent aussi de nouvelles perspectives; nature mortes, scènes de genre ou encore paysages tiennent une place de plus en plus grande à coté de la peinture de dévotion et de célébration.

A noter: la présence d'une toile de Gaspard Dughet prêtée par le musée des Beaux-Arts de Chartres.

 

Exposition du 24 septembre 2010 au 24 janvier 2011 au Musée Jacquemart André.