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De la vaisselle à la prison

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Le saint-simonisme est une utopie qui influença le monde industriel et politique français au 19e siècle. L'un des épisodes les plus rocambolesques de l'aventure saint-simonienne se déroula sur les pentes de Ménilmontant. 

Fervent disciple du défunt fondateur, Prosper Enfantin s'était retiré en 1832 avec une quarantaine de ses adeptes dans une maison située près de l'actuel square de Ménilmontant. Vivant dans une communauté égalitaire et donc sans domestiques, tous les membres devaient œuvrer pour le bien commun. Cette estampe les montre vaquant à de multiples activités ménagères - vaisselle, ménage, cirage des bottes - tous vêtus d'un costume tricolore dont le gilet s'attachait dans le dos. Ce détail vestimentaire était symbolique de leur volonté d'entraide fraternelle puisqu'il nécessitait l'intervention d'un comparse pour fermer son vêtement. 
Très avant-gardiste et trop exaltée, leur conception d'une nouvelle société provoqua de nombreux remous. Inculpés de réunions publiques illicites, d'outrages aux bonnes mœurs et d'escroquerie, les saint-simoniens furent contraints à la dispersion et leurs principaux dirigeants, condamnés à la prison ferme.

Le square des saint-simoniens est l'une des étapes du circuit "Belleville-Ménilmontant" à découvrir dans le dernier livret des Promenades parisiennes.  


Fleurs de Marie

Roses et oiseaux

Fleur d'Aphrodite dans la mythologie antique, le christianisme fit de la rose la fleur consacrée à la Vierge.

Qualifiée de "rose sans épines" parce que née hors de la souillure du péché originel, Marie est aussi associée au lys et à la violette. Le premier renvoie à sa pureté tandis que la seconde - petite fleur sans grande prétention - évoque son humilité. Comme le lys, la rose blanche est synonyme de sa pureté et lorsqu'elle est rouge, elle s'associe au sang versé par le Christ et donc au martyre. 

Chef-d'œuvre de délicatesse et de raffinement, la Vierge au buisson de roses a été peinte en 1473 par Martin Schongauer pour l'église principale de Colmar, sa ville natale. Cette œuvre impressionne tant par la monumentalité de la Vierge à l'Enfant que par la somptuosité des rosiers et des petits passereaux découpés sur le fond d'or.

Volé en 1972 puis retrouvé l'année suivante, ce grand retable constitue un témoignage exceptionnel des derniers raffinements de l'art courtois à l'aube des Temps modernes. Il sera commenté lors de la conférence "Art et péripéties", mercredi 7 juin en salle ART'Hist.  

 


Les vertus cachées d'un pot

Jeune femme à l'aiguière
Une main sur le battant de la fenêtre, l'autre saisissant l'aiguière* posée sur la table, cette femme semble indécise et incline légèrement la tête comme pour réfléchir. Gestes simples, images de la vie quotidienne, tout l'art de Vermeer réside dans l'économie de cette mise en scène.

Mais la composition se révèle bien plus complexe qu'il n'y parait au premier regard. Car si l'aiguière et son bassin appartiennent au rituel traditionnel de la toilette, l'œil des contemporains du peintre y décelait aussi une allusion aux valeurs morales qui doivent guider l'homme lors de sa vie terrestre. 

Pour l'Eglise catholique, le comportement modeste et vertueux de la mère de Dieu est un modèle à suivre. La clarté émanant de la fenêtre associée aux reflets de la carafe posée dans un bassin d'eau claire font allusion à la pureté de Marie. Cette conception mystique de la Vierge a été illustrée dès le Moyen-Age par les peintres du nord mais de façon plus directe. Sur le retable de Mérode attribué à Campin, la scène de l'Annonciation est combinée avec les représentations minutieuses d'une bassine d'eau et de rayons lumineux portant l'Enfant-Jésus.

Sans avoir recours à une précision extrême du détail - tout en insufflant véracité et proximité aux scènes représentées - le génie de de Vermeer consiste à élever ses modèles au-dessus du profane. Alliance de poésie et de délicatesse, plongez dans l'univers du maître de Delft avec la visioconférence "Vermeer chez vous".

La jeune femme à l'aiguière - 1662-64 - Johannes Vermeer - Metropolitan Museum of Art, NYC               *l'aiguière est un broc ou pot utilisé pour verser de l'eau


Cachez ces seins .....

Cabinet glaces
Petite pièce luxueusement décorée, le cabinet des glaces de l'Hôtel de la Marine témoigne du raffinement de son commanditaire, Pierre Elisabeth de Fontanieu. Cabinet ou boudoir, ce type d'espace ne répondait pas toujours aux codes décoratifs des autres pièces où mode et convenances jouaient un rôle important. 

Intendant général du Garde-Meuble de la Couronne, intellectuel, esthète et célibataire, Fontanieu se passionnait à la fois pour la gemmologie et pour les danseuses de ballet. Contigu à sa chambre, ce cabinet doté d'un lit de repos était orné de miroirs peints figurant des divinités féminines gréco-romaines dans le plus simple appareil. Il est probable que ces jolies figures dénudées furent complices des rendez-vous galants organisés en ces lieux. Mais, rhabillées à la demande de l’épouse du second Intendant, Madame Thierry de Ville-d’Avray, les déesses furent transformées en chérubins afin de rendre le décor plus convenable. 

Visite guidée de l'Hôtel de la Marine jeudi 25 mai à 11h45. Informations et inscriptions 


Célébrations printanières

AMD
Le printemps - associé à l'idée de renaissance joyeuse - a été une source d'inspiration constante pour Maurice Denis, le nabi "aux belles icônes".

Liant l'image du printemps profane à celle du printemps sacré, il peint une cohorte d'anges et de jeunes gens dans un cadre fleuri. Installé près de la forêt de St-Germain-en-Laye, amoureux de la nature, le peintre y puise un abondant répertoire de motifs décoratifs. Pour Denis, il n'y a pas de différence entre profane et sacré ; ainsi, son printemps terrestre devient l'antichambre du Paradis. 

Maurice Denis - Le Paradis - 1912 - Huile sur bois - Musée d'Orsay