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ÉMOUVANTES LAIDEURS

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Considéré comme une finalité en art par la critique bien-pensante du 19e siècle, le Beau s'est parfois révélé très réducteur pour la création artistique. 

De nombreux artistes ont pourtant démontré que les images dérangeantes pouvaient introduire un nouveau langage. Basé sur une touche plus dynamique, une palette de couleurs violentes ou une construction anatomique peu flatteuse cet axe créatif conduira à l'art moderne du 20e siècle. Parmi les interprètes de la laideur figurent des personnalités aux aspirations parfois très divergentes comme Goya ou Degas.

Mentor de l'américaine Mary Cassatt, Degas semble avoir transmis cette spécificité à sa protégée. Cassatt n'hésite pas à représenter des personnes sans grande beauté, trop ordinaires. La critique sera telle qu'elle lui vaudra le titre peu flatteur d'"apôtre de la femme laide dans l'art".

Mais si la remarque vaut aussi pour les enfants, force est de constater que cette supposée laideur les rend particulièrement réalistes et beaucoup plus touchants. Mary Cassatt exploite avec brio ce thème modernisé de la mère et de l'enfant. Même si selon les mots d'un critique, elle représente "des femmes laides dans des vêtements curieux et des bébés qui en sont dépourvus". 


UNE QUESTION DE TENUE

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On connaît le tempérament d'Edgar Degas en société qui, selon son entourage, se montre volontiers "étincelant", voir "insupportable". "Faiseur de bons mots", il emploie avec une certaine délectation boutades, maximes ou blagues à l'encontre des gens de lettre, de l'Institut ou encore des artistes.

Cette liberté de parole se double d'une forme d'objectivité en peinture qui peut parfois surprendre le sujet lorsqu'il le choisit parmi ses proches.Car soucieux du rendu naturaliste des attitudes, le peintre parisien s'appuie sur les capacités expressives de la ligne sans toujours flatter le modèle.

C'est le cas de cet étonnant portrait de l'artiste Mary Cassatt. Bien qu'amis, le peintre français ne la ménage pas et la représente penchée en avant, dans une attitude peu conforme à celle qu'adoptent les femmes élégantes de sa condition. Il souligne ainsi sa concentration mais fait ressortir les traits angulaires du visage de la jeune femme qui parait presque masculine. Une manière un peu brutale chez Degas d'exprimer picturalement ce que lui inspire son amie : malgré sa tenue parisienne, il considère que la jeune femme reste "américaine" avant tout et donc un peu moins civilisée que ses consœurs européennes. 

A voir jusqu'au 23 juillet 2018 dans l'exposition du Musée Jacquemart André.